samedi 23 février 2019

Les bienfaits physiques de la pénitence

Pendant l'hiver nous ne subissons plus les alternatives de froid prolongé et de réchauffement brutal devant le feu des cheminées et des poêles, auxquelles nos ancêtres étaient exposés.

Notre organisme n'a plus à mettre en branle les enchaînements de processus physiologiques, qui augmentaient l'activité des échanges et modifiaient la circulation du corps tout entier. L'homme mal protégé par des vêtements insuffisants, qui conserve sa température interne à l'aide d'un exercice violent, fait fonctionner tous ses systèmes organiques de façon puissante. Au contraire, celui qui combat le froid par des fourrures et des habits imperméables au vent, par l'appareil de chauffage d'une voiture bien close, ou en s'enfermant dans une chambre à température égale, maintient ces mêmes systèmes dans un état d'inactivité. Chez beaucoup des gens, la peau n'est jamais fouettée par le vent. Elle n'a jamais à se défendre contre la pluie, l'humidité des vêtements mouillés, ni contre l'ardeur du soleil, pendant de longues heures de fatigue. Chez eux, les mécanismes chargés de régler la température du sang et des humeurs restent toujours au repos. Ils sont privés d'un exercice qui est peut-être indispensable à leur complet développement et à celui de l'individu.

[...]

La fréquence, la régularité et l'abondance des repas laissent inutilisée une fonction qui a joué un rôle considérable dans la survie des races humaines, l'adaptation au manque de nourriture. Dans la vie primitive, les hommes étaient soumis à des périodes de jeûne. Quand la disette ne les y obligeait pas, ils se soumettaient à cette épreuve de façon volontaire. Toutes les religions ont insisté sur la nécessité du jeûne. La privation de nourriture produit d'abord la sensation de faim, parfois une certaine stimulation nerveuse, et plus tard un sentiment de faiblesse. Mais elle détermine aussi des phénomènes cachés qui sont bien plus importants. Le sucre du foie se mobilise, et aussi la graisse des dépôts sous-cutanés et les protéines des muscles, des glandes, des cellules hépatiques. Tous les organes sacrifient leur propre substance pour maintenir l'intégrité du milieu intérieur et du cœur. Le jeûne nettoie et transforme nos tissus.

L'homme moderne dort trop ou pas assez. Il s'adapte mal à trop de sommeil. Il s'adapte plus mal encore à son absence pendant des périodes prolongées. Il est utile, cependant, de s'habituer à rester à l'état de veille quand on ne le désire pas. La lutte contre le sommeil met en branle des appareils organiques dont la vigueur se développe par l'exercice. Elle demande aussi un effort de la volonté. Cet effort, comme beaucoup d'autres, a été supprimé par les habitudes modernes.



-Dr CARREL, L'homme, cet inconnu. 1935.