jeudi 15 novembre 2018

Le Christ-Roi, vainqueur de Satan

Au début des années 1970, alors que le monde vient de passer mai 68, que les réformes du concile Vatican II battent leur plein, et qu’en notre cher Canada-français la Révolution tranquille fait table rase de la foi et des mœurs, monsieur le chanoine Panneton nous écrit cette allégorie sur l’état du pays. Prêtre du diocèse des Trois-Rivières, le chanoine Panneton fut l’un des résistants de la première heure au bouillonnement diabolique qui chavira notre pays. Au milieu de la pagaille d’une des décennies les plus folles, il continua à « servir le Seigneur dans la joie » Ps. 99. 

« Une stratégie infernale » Le premier pape, saint Pierre, nous recommande : « Frères, soyez sobres et vigilants, car votre adversaire le diable, comme un lion rugissant, rôde autour de vous, cherchant qui dévorer. Résistez-lui, fermes dans la foi. » (1ère Épître, 5, 8). 

Le 13 mai 1946, S.S. Pie XII couronnait Marie comme Reine de l’Univers. Dans son radio-message adressé à Fatima, le Saint Père disait alors : «  En cette heure décisive de l’histoire, de même que le Royaume du Mal, déployant une stratégie infernale, recourt à tous les moyens et déchaîne toutes ses forces pour détruire la foi, la morale, le règne de Dieu; de même les Fils de Lumière, les Enfants de Dieu doivent tout employer et tous s’engager pour les défendre, si l’on ne veut pas voir une ruine immensément plus grande et plus désastreuse que toutes les ruines matérielles accumulées par la guerre. » (Doc. Cath. 9 juin 1946) 

En 1663, dans toute la colonie de la Nouvelle-France, il y eut des tremblements de terre effroyables, qui durèrent sept mois, à des intervalles plus ou moins prolongés. Au début, une religieuse de l’Hôtel-Dieu de Québec, Sœur Catherine-de-Saint-Augustin, eut une vision : elle vit quatre démons qui secouaient le pays pour causer ce cataclysme; elle eut aussi une apparition de Saint Joseph et de Saint Jean de Brébeuf; ils lui déclarèrent que le séisme était un châtiment des désordres causés par la traite de l’eau-de-vie qui affligeait Mgr de Laval, mais qu’ils protégeraient la colonie. En effet, il n’y eut aucune perte de vie et beaucoup de pécheurs se convertirent, croyant que c’était la fin du monde. 

De nos jours, l’Enfer est de nouveau acharné à détruire la forteresse catholique du Canada-français… Faisons une allégorie, pour illustrer la stratégie infernale.

Lucifer fait comparaître devant lui ses lieutenants, les grands démons qui viennent tour à tour lui rendre compte de leur mission diabolique : « Notre Enfer est déchaîné, pour le peu de temps qui nous reste avant le Jugement dernier… Paraissez, Esprits mauvais qui parcourez le monde pour la perte des âmes! » 


Le corps humain profané 

Béelzebub se présente : « Avec mes copains, les démons de l’impureté, de l’ivrognerie, de la violence, j’ai organisé la délinquance juvénile, les vestes de cuir, les gangs de bandits. Nous avons noyé la Province dans l’alcool, plus qu’au temps de Mgr de Laval. L’art, la littérature mondaine sont à notre service. Par le cinéma et la télévision, nous avons répandu jusque dans les foyers chrétiens le scandale des nudités, des danses immorales, de l’adultère, du divorce, de la prostitution. Nous avons popularisé l’homosexualité. Nous les avons poussés à faire un dieu de leur ventre, comme dit l’Apôtre Paul.

« Enfin, nous avons profané l’amour dans le mariage. Nous avons chassé le mythe des familles nombreuses qui faisait la force de la nation. Nous avons remis en honneur les pratiques païennes de l’onanisme et de la fornication. Par les pilules stérilisantes et l’avortement, nous finirons bien par tarir les sources de la vie, pour débarrasser le monde de cette sale humanité qui a prétendu prendre au Ciel les places que nous avons perdues.

Ah! Ce corps humain sanctifié par les sacrements, nous l’avons profané, avili plus bas que la bête! Gloire à notre équipe victorieuse des Canadiens maudits! Dansons le twist et le yé-yé jusqu’au fond des enfers! »


Le veau d’or 

Voici Méphisto… « Béelzébub, tu n’es qu’un vaurien! Moi, Méphisto, je domine le monde par l’argent! Le Veau d’or est encore debout : on encense sa puissance d’un bout du monde à l’autre bout! Les avares se font un dieu de l’argent. Comme Judas, ils sont prêts à toutes les trahisons pour s’enrichir : financiers, politiciens, industriels, commerçants, ouvriers, tous sont nos esclaves… Même dans le clergé et les communautés nous faisons oublier l’esprit de pauvreté. Des religieux enseignants défroquent pour gagner de gros salaires.

« L’Argent confère la puissance, conquiert les honneurs, procure les plaisirs. Vive l’Argent! Pour s’enrichir, les bandits sont prêts à voler, tuer, détruire, profaner… En avant les bandits! Même dans la jeunesse, je répands l’égoïsme et la cupidité. Des étudiants sans cœur ne choisissent plus que des professions lucratives : c’est une folie de prendre une vocation sacerdotale ou missionnaire, pour vivre dans le renoncement…

« Voilà l’œuvre de Méphisto! Le Veau d’or est toujours debout : sa puissance domine le monde. Le Christ l’a dit : Il est plus aisé qu’un chameau passe par le trou d’une aiguille qu’il ne l’est à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu… Voilà ma chance! En Enfer les mauvais riches, par centaines, par milliers! »


Non serviam !
Je ne servirai pas !


Un vent de liberté 

Mais voici Asmodée : «  Béelzébub et Méphisto, vous êtes des insignifiants! C’est moi qui conduis le monde à sa perte par l’orgueil. Je suis le grand Révolutionnaire! À bas l’Autorité! Vive la Liberté! La démocratie, l’indépendance, le socialisme, farces macabres! C’est par là que je conduis les hommes à l’esclavage communiste…

« Ah! Quelle joie, quand nous avons organisé la Révolution en France, en Espagne, au Mexique, en Russie, en Chine! Massacres, tortures, destruction d’églises et de couvents, mutilations sacrilèges, apostasie de prêtres et même d’évêques… Partout j’ai répandu la haine et la révolte!

« Et maintenant, au Canada-français, souffle aussi un vent de liberté révolutionnaire. Bientôt, en ce pays, ce sera comme à Cuba… Nous avons déjà réussi à faire défroquer quelques prêtres, religieux et religieuses, à la faveur de la laïcisation générale. Nous avons gagné la neutralité scolaire, la coéducation des adolescents, pourvoyeuse de filles-mères et ruine des vocations sacerdotales et religieuses. Bientôt, nous allons chasser les Communautés religieuses des écoles et des hôpitaux, et nous allons reléguer le prêtre à la sacristie, selon le programme de nos amis les francs-maçons.

« Vivent les Républiques socialistes, les Sans-Dieu communistes, les Agnostiques et les Athées! Nous avons réussi à introduire dans les universités et les collèges catholiques la doctrine de Karl Marx, de Lénine, de Staline, de Mao, et les livres de Gide, de Sartre, Camus, Beauvoir, Sagan, qui continuent l’œuvre de corruption de Voltaire, Nietzsche, Zola et nos autres associés. Enfin, par l’Existentialisme athée, nous conduisons les hommes à l’abattoir, au désespoir, au suicide, chemin direct vers l’Enfer. Victoire! Debout les damnés de la terre! Dieu est mort! »


La dialectique de l’ennemi 

Astaroth se présente : « Ah! Vous, Béelzébub, Méphisto, Asmodée, vous n’êtes que des pygmées auprès de moi, qui suis le vrai Satan, l’Adversaire du Christ! Voyez ma finesse dialectique. J’ai eu soin d’inspirer aux parents et aux éducateurs de ridiculiser la croyance aux Anges bons ou mauvais : mythe que tout cela, tout comme celui du grand Lustucru…

Le concile de Vatican II.
J’ai persuadé aux prédicateurs de ne plus parler de l’Enfer : un épouvantail inutile dans le monde moderne… Ainsi camouflé, j’ai pu m’introduire partout, dans les foyers, les maisons d’éducation, les communautés religieuses et jusqu’au pied des autels. Je me suis déguisé en Ange de lumière, comme disait Paul (2 Cor. 11, 14).

« J’ai même osé m’approcher des Pères du Concile, pour tenter de semer la division parmi eux; à certains théologiens bibliques, j’ai ridiculisé les miracles de l’Histoire Sainte et j’ai mis en honneur le rationalisme de nos amis Renan et Loisy… Par un faux œcuménisme, j’ai fait tendre la main aux hérétiques, en sacrifiant l’intégrité du dogme, et j’ai réussi à protestantiser bon nombre de catholiques. À la suite du Concile, je vais susciter un schisme dans l’Église, tout comme après Vatican I…

« J’ai profité de la Réforme liturgique, pour démolir les autels majestueux, chasser les statues et les crucifix des églises, ruiner le culte marial, le culte eucharistique, le culte de la Passion du Christ notre ennemi. J’ai remplacé les beaux chants traditionnels par des chansonnettes insignifiantes. J’ai la caricature et la bouffonnerie pour déprécier tout ce qui est religieux. C’est ainsi que j’ai rendu les églises froides, les offices ennuyants, et j’ai fait perdre la dévotion et la foi au peuple fidèle. J’ai rasé les clochers, j’ai fait taire les cloches, j’ai converti les temples en entrepôts et en salles de danses. J’ai communiqué mon aversion pour le latin, l’habit religieux, le triomphalisme, et pour tout ce qui donne du prestige au Sacerdoce.

« Voilà, grand Chef, ma suprême habileté. Pas de persécution, pas de martyrs, mais l’asphyxie de la religion, pour amener l’apostasie générale… »


L’empire de Satan 

Lucifer se dresse sur son trône infernal, et d’une voix furieuse, il hurle : « Vous êtes tous des imbéciles! Béelzébub, Méphisto, Asmodée, Astaroth, je vous écrase de mon mépris et je vous précipite au plus profond de l’abîme! Je n’ai pas besoin de vous, car je suis le plus intelligent des Mauvais Anges, je suis même le seul intelligent! Tout seul je vais établir mon empire : je suis le Roi des Enfers!

« Depuis qu’aux origines, saint Michel m’a vaincu, je me suis relevé et j’ai brandi de nouveau l’étendard de la révolte : Non Serviam! Au Paradis terrestre, j’ai commencé la Guerre des Âmes… Et j’ai si bien combattu, que j’ai enfourné des millions de damnés dans mes Enfers.

« J’ai vaincu le premier Adam, au pied de l’Arbre de la Science du bien et du mal. Ensuite, j’ai vaincu le second Adam sur le Calvaire, au pied de l’Arbre de la Croix. On a prétendu qu’il est sorti du tombeau vivant et glorieux, mais c’était une imposture. Depuis vingt siècles, j’ai étendu mon empire sur le monde entier; je suis le Prince de ce monde, le Christ lui-même l’a avoué. Chez les païens, j’étais adoré dans les idoles. Au 17e siècle, lors de la Révolution française, j’ai trôné sur l’autel de Notre-Dame-de-Paris, sous l’apparence de la Déesse Raison. En ce 20e siècle, je règne en maître à Moscou, sur les Républiques socialistes athées…

« Maintenant, peuple du Québec, je vous donnerai la puissance industrielle, le contrôle du commerce international, la gloire de la Science, des Arts et des Lettres, enfin la domination mondiale… si, vous prosternant à mes pieds, vous consentez à m’adorer! »


(À ce moment éclate un coup de tonnerre. La foudre tombe sur Lucifer qui est écrasé, et une voix formidable ébranle le firmament.)


Le Christ-Roi vainqueur 

Le Christ apparaît : « Arrière Satan! Il est écrit : Tu adoreras Dieu seul! Et toi, Lucifer, tu es un menteur : tu n’es pas le Maître du monde. Ton royaume sur la terre va bientôt s’écrouler définitivement. Par ma Croix, je ruine ton empire… »

Et près du Christ vainqueur, qui élève son étendard, paraît Notre-Dame, qui, d’un regard sévère, chasse les Légions diaboliques, comme elle le fit jadis à Lourdes, tandis que son pied virginal écrase la tête du Serpent infernal. Et des sanctuaires dressés dur les bords du Saint-Laurent, on entend monter des acclamations et des prières. Et se lèvent des bataillons de soldats du Christ, qui vont combattre les ennemis de l’Église…

- Non! La forteresse catholique du Québec ne tombera pas! Nos protecteurs défendent leur domaine : Notre-Dame, saint Joseph, sainte Anne, saint Jean-Baptiste, nos Saints Martyrs canadiens! Vive le Christ, notre Roi! Vive Notre-Dame, notre Reine!



-Chanoine Georges Panneton.



Notes

La mise en scène des démons qui viennent rendre compte de leur mission infernale à leur chef Lucifer…, nous en avons trouvé une confirmation dans la vie de la Vén. Sœur Catherine-de-Saint-Augustin (1632-1668) qui s’était offerte en victime pour sauver la Nouvelle-France menacée de ruine par les Iroquois. Elle subit des obsessions diaboliques pendant huit ans. 

Le 1er août 1662, dans une vision surnaturelle, elle vit des démons accourir pour rendre compte de leurs conquêtes à Satan, leur chef. Celuici était assis sur un trône porté dans les airs et environné d’un appareil royal. Les diables se vantaient : les uns d’avoir excité la dissension entre les chrétiens; d’autre disaient avoir réussi à exciter la haine, la colère, la médisance, l’impiété, l’impureté; chacun se vantait selon le mal qu’il avait fait faire, à Québec, à Montréal, à Trois-Rivières, etc. 

En mars 1664, cette sainte religieuse voit encore les démons qui soulèvent le monde contre Mgr de Laval surtout à cause de la traite de l’eau de vie. Ces démons se vantaient de triompher partout… À la fin, ils furent vaincus par cette Hospitalière, assistée et dirigée par saint Jean de Brébeuf, martyrisé en 1649, qui lui apparaissait glorieux. 

(Cf. Vie de la Mère Catherine-de-Saint-Augustin, religieuse de l’Hôtel-Dieu à Québec, par le R. P. L. Hudon, S. J. édit. Spes, Paris, 1925, pages 127 et 179.)