Je vais plus loin, et j'ose affirmer que non seulement il existe une vocation pour les peuples, mais qu'en outre quelques-uns d'entre eux ont l'honneur d'être appelés à une sorte de sacerdoce. Ouvrez la Bible, mes frères, parcourez-en les pages si touchantes si débordantes de l'esprit divin, depuis Abraham jusqu'à Moïse, depuis Moïse jusqu'à David, depuis David jusqu'au Messie figuré par les patriarches, annoncé par les prophètes et sorti comme une fleur de la tige judaïque, et dites-moi si le peuple hébreu, malgré ses hontes, malgré ses défaillances, malgré ses infidélités, n'a pas rempli sur la terre une mission sacerdotale. Il en est de même sous la loi nouvelle. Tous les peuples sont appelés à la vraie religion, mais tous n'ont pas reçu une mission religieuse. L'histoire tant ancienne que moderne le démontre: il y a des peuples voués à la glèbe, il y a des peuples industriels, des peuples marchands, des peuples conquérants, il y a îles peuples versés clans les arts et les sciences, il y a aussi des peuples apôtres. Et quels sont-ils, ces peuples apôtres? Ah ! reconnaissez-les à leur génie rayonnant et à leur âme généreuse : ce sont ceux qui, sous la conduite de l'Eglise, ont accompli l'œuvre et répandu les bienfaits de la civilisation chrétienne; qui ont mis la main à tout ce que nous voyons de beau, de grand, de divin dans le monde; qui par la plume, ou de la pointe de l'épée, ont buriné le nom de Dieu dans l'histoire ; qui ont gardé comme un trésor, vivant et impérissable, le culte du vrai et du bien. Ce sont ceux que préoccupent, que passionnent instinctivement toutes les nobles causes; qu'on voit frémir d'indignation au spectacle du faible opprimé; qu'on voit se dévouer sous les formes les plus diverses au triomphe de la vérité, de la charité, de la justice, du droit, de la liberté.
« Populum istum formavi ; laudem meam narrabit. C’est moi, dit le Seigneur, qui ai formé ce peuple ; je l’ai établi pour ma gloire, dans l’intérêt de la religion et pour le bien de mon Église ; je veux qu’il persévère dans sa noble mission, qu’il continue à publier mes louanges. »
Mgr Louis-Adolphe Paquet. |
Est-il besoin que je produise des marques de cette
vocation d’honneur ? La tâche, mes Frères, est facile :
ces marques, nous les portons au front, nous les portons sur les lèvres, nous les portons dans nos cœurs !
Pour juger de la nature d’une œuvre, d’une fondation quelconque, il suffit très souvent de reporter les yeux sur les débuts de cette œuvre, sur l’auteur de cette fondation. La vie d’un arbre est dans ses racines ; l’avenir d’un peuple se manifeste dans ses origines. Quelle est donc la nation mère à laquelle nous devons l’existence ? quel a été son rôle, son influence intellectuelle et sociale ? Déjà vos cœurs émus ont désigné la France ; et, en nommant cette patrie de nos âmes, ils évoquent, ils ressuscitent toute l’histoire du christianisme. Le voilà le peuple apôtre par excellence, celui dont Léon XIII dans un document mémorable a pu dire : « La très noble nation française, par les grandes choses qu’elle a accomplies dans la paix et dans la guerre, s’est acquis envers l’Église catholique des mérites et des titres à une reconnaissance immortelle et à une gloire qui ne s’éteindra jamais. » Ces paroles si élogieuses provoqueront peut-être un sourire hésitant sur les lèvres de ceux qui ne considèrent que la France maçonnique et infidèle. Mais, hâtons-nous de l’ajouter, dix ans, vingt ans, cent ans même de défections, surtout quand ces défections sont rachetées par l’héroïsme du sacrifice et le martyre de l’exil, ne sauraient effacer treize siècles de foi généreuse et de dévouement sans égal à la cause du droit chrétien.
Quand on descend d’une telle race, quand on
compte parmi ses ancêtres des Clovis et des
Charlemagne, des Louis IX et des Jeanne d’Arc, des
Vincent de Paul et des Bossuet, n’est-on pas justifiable
de revendiquer un rôle à part et une mission
supérieure ? Par une heureuse et providentielle
combinaison, nous sentons circuler dans nos veines du
sang français et du sang chrétien. Le sang français seul
s’altère et se corrompt vite, plus vite peut-être que tout
autre ; mêlé au sang chrétien, il produit les héros, les
semeurs de doctrines spirituelles et fécondes, les
artisans glorieux des plus belles œuvres divines.
C’est ce qui explique les admirables sentiments de piété vive et de foi agissante dont furent animés les fondateurs de notre nationalité sur ce continent d’Amérique, et c’est dans ces sentiments mêmes que je trouve une autre preuve de notre mission civilisatrice et religieuse.
Qui, mes Frères, ne reconnaîtrait cette mission, en voyant les plus hauts personnages dont notre histoire s’honore, faire de l’extension du royaume de Jésus-Christ le but premier de leurs entreprises et marquer, pour ainsi dire, chacune de leurs actions d’un cachet religieux ? Qui n’admettrait, qui n’admirerait cette vocation, en voyant, par exemple, un Jacques Cartier dérouler d’une main pieuse sur la tête de pauvres sauvages les pages salutaires de l’Évangile ; en voyant un Champlain ou un Maisonneuve mettre à la base de leurs établissements tout ce que la religion a de plus sacré ; en voyant encore une Marie de l’Incarnation et ses courageuses compagnes, à peine débarquées sur ces rives, se prosterner à terre et baiser avec transport cette patrie adoptive qu’elles devaient illustrer par de si héroïques vertus ? Est-ce donc par hasard que tant de saintes femmes, tant d’éminents chrétiens, tant de religieux dévoués se sont rencontrés dans une pensée commune et ont posé, comme à genoux, les premières pierres de notre édifice national ? Est-ce par hasard que ces pierres, préparées sous le regard de Dieu et par des mains si pures, ont été baignées, cimentées dans le sang des martyrs ? L’établissement de la race française dans ces contrées serait-il une méprise de l’histoire, et le flot qui nous déposa sur les bords du Saint-Laurent n’aurait-il apporté au rivage que d’informes débris, incapables de servir et d’accomplir les desseins du ciel dans une œuvre durable ?
Non, mes Frères, et ce qui le prouve mieux encore que tout le reste, c’est l’influence croissante exercée autour d’elle par la France d’Amérique sur les progrès de la foi et de la vraie civilisation.
Pour juger de la nature d’une œuvre, d’une fondation quelconque, il suffit très souvent de reporter les yeux sur les débuts de cette œuvre, sur l’auteur de cette fondation. La vie d’un arbre est dans ses racines ; l’avenir d’un peuple se manifeste dans ses origines. Quelle est donc la nation mère à laquelle nous devons l’existence ? quel a été son rôle, son influence intellectuelle et sociale ? Déjà vos cœurs émus ont désigné la France ; et, en nommant cette patrie de nos âmes, ils évoquent, ils ressuscitent toute l’histoire du christianisme. Le voilà le peuple apôtre par excellence, celui dont Léon XIII dans un document mémorable a pu dire : « La très noble nation française, par les grandes choses qu’elle a accomplies dans la paix et dans la guerre, s’est acquis envers l’Église catholique des mérites et des titres à une reconnaissance immortelle et à une gloire qui ne s’éteindra jamais. » Ces paroles si élogieuses provoqueront peut-être un sourire hésitant sur les lèvres de ceux qui ne considèrent que la France maçonnique et infidèle. Mais, hâtons-nous de l’ajouter, dix ans, vingt ans, cent ans même de défections, surtout quand ces défections sont rachetées par l’héroïsme du sacrifice et le martyre de l’exil, ne sauraient effacer treize siècles de foi généreuse et de dévouement sans égal à la cause du droit chrétien.
Erection de la croix de Gaspé par Jacques Cartier et ses compagnons. |
C’est ce qui explique les admirables sentiments de piété vive et de foi agissante dont furent animés les fondateurs de notre nationalité sur ce continent d’Amérique, et c’est dans ces sentiments mêmes que je trouve une autre preuve de notre mission civilisatrice et religieuse.
Qui, mes Frères, ne reconnaîtrait cette mission, en voyant les plus hauts personnages dont notre histoire s’honore, faire de l’extension du royaume de Jésus-Christ le but premier de leurs entreprises et marquer, pour ainsi dire, chacune de leurs actions d’un cachet religieux ? Qui n’admettrait, qui n’admirerait cette vocation, en voyant, par exemple, un Jacques Cartier dérouler d’une main pieuse sur la tête de pauvres sauvages les pages salutaires de l’Évangile ; en voyant un Champlain ou un Maisonneuve mettre à la base de leurs établissements tout ce que la religion a de plus sacré ; en voyant encore une Marie de l’Incarnation et ses courageuses compagnes, à peine débarquées sur ces rives, se prosterner à terre et baiser avec transport cette patrie adoptive qu’elles devaient illustrer par de si héroïques vertus ? Est-ce donc par hasard que tant de saintes femmes, tant d’éminents chrétiens, tant de religieux dévoués se sont rencontrés dans une pensée commune et ont posé, comme à genoux, les premières pierres de notre édifice national ? Est-ce par hasard que ces pierres, préparées sous le regard de Dieu et par des mains si pures, ont été baignées, cimentées dans le sang des martyrs ? L’établissement de la race française dans ces contrées serait-il une méprise de l’histoire, et le flot qui nous déposa sur les bords du Saint-Laurent n’aurait-il apporté au rivage que d’informes débris, incapables de servir et d’accomplir les desseins du ciel dans une œuvre durable ?
Non, mes Frères, et ce qui le prouve mieux encore que tout le reste, c’est l’influence croissante exercée autour d’elle par la France d’Amérique sur les progrès de la foi et de la vraie civilisation.
-Mgr Louis-Adolphe Paquet - extrait du sermon La vocation de la race française en Amérique. Québec. 23 juin 1902