Saint Cyprien de Carthage (210-258) |
L’an 255, on commença à disputer en Afrique sur le baptême des hérétiques. Les novatiens rebaptisaient tous ceux qui passaient dans leur parti. Un nommé Magnus, croyant qu’il ne fallait avoir rien de commun avec les hérétiques, ou craignant qu’on ne parût suivre Novatien en rebaptisant comme lui, demanda à saint Cyprien s’il fallait rebaptiser ceux qui quittaient le parti de Novatien et rentraient dans l’Eglise.
Saint Cyprien répondit que, puisqu’il fallait rebaptiser tous ceux qui avaient été baptisés par des hérétiques ou schismatiques, les novatiens n’en devaient pas être exceptés ; il se fondait sur ces principes :
1° Ceux qui sortent hors de l’Eglise doivent être considérés comme des païens et, par conséquent, tout à fait incapables de faire les fonctions de ministres de Jésus-Christ.
2° L’Eglise étant unique et renfermée dans une seule communion, il fallait qu’elle fût du côté de Novatien ou de celui de Corneille.
3° Novatien ne pouvait pas donner le nom d’Eglise à son parti, parce qu’il était destitué de la succession des évêques, ayant été ordonné hors de l’Eglise.
4° Les hérétiques et les schismatiques étant destitués du Saint-Esprit, ils ne pouvaient pas le conférer à ceux qu’ils baptisaient, non plus que le pardon des péchés, qu’on ne pouvait accorder sans avoir le Saint-Esprit : qu’on ne peut se sauver hors de la vraie Eglise ; que par conséquent on n’avait point de vrai baptême hors de l’Eglise, et que Novatien ne pouvait regarder son parti comme la vraie Eglise, ou qu’il fallait dire que Corneille, le seul légitime successeur de Fabien, Corneille, qui avait remporté la couronne du martyre, était hors de l’Eglise ; enfin il prouve, par l’exemple des tribus schismatiques d’Israël, que Dieu hait les schismatiques ; qu’ainsi, ni les schismatiques, ni les hérétiques n’ont le Saint-Esprit.
Saint Cyprien dit, dans celle lettre, tout ce qu’on peut dire en faveur de son sentiment ; cependant elle ne leva pas toutes les difficultés des évêques de Numidie. Dix huit évêques de celte province écrivirent de nouveau à saint Cyprien, qui convoqua un concile dans lequel on déclara que personne ne pouvait être baptisé hors de l’Eglise.
Malgré la décision du concile d’Afrique , beaucoup d’évêques préféraient la coutume ancienne au sentiment de Cyprien, qui convoqua un nouveau concile, où les évêques de Numidie et d’Afrique se trouvèrent : ce second concile confirma la décision du premier concile de Carthage sur la nullité du baptême des hérétiques. Le concile informa le pape Etienne de ce qu’il avait jugé ; mais le souverain pontife condamna le jugement des Pères de Carthage.
La lettre de saint Etienne est perdue ; mais on voit, par celle de saint Cyprien. que ce pape insistait beaucoup sur la tradition et sur la pratique universelle de l’Eglise, dans laquelle il ne faut rien innover.
Or, si telle est l’opinion des Donatistes, qu’ils s’en fassent à eux-mêmes l’application immédiate, car tout séparés qu’ils soient de la communion de l’Eglise, ils reçoivent cependant le véritable baptême de Jésus-Christ, dont la sainteté est absolument indépendante des dispositions du ministre.
-Saint Augustin, in Du baptême contre les donatistes.
Saint Cyprien , pour se soutenir contre l’autorité du siège de Rome, convoqua un troisième concile, composé de quatre-vingt-sept évêques africains, numides et maures : on y confirma le jugement des deux conciles précédents sur la nullité du baptême des hérétiques. Saint Cyprien écrivit à Firmilien, sur la contestation qui s’était élevée entre le pape et l’Eglise d’Afrique, et Firmilien approuva le sentiment de saint Cyprien.
Saint Augustin. |
Le pape Etienne mourut, et Sixte, son successeur, ne poussa pas plus loin la contestation de la validité du baptême des hérétiques, qui fut décidée conformément au jugement du pape Etienne dans un concile plénier. Nous n’examinerons point si ce concile est le concile de Nicée ou celui d’Arles ; cette question n’est d’aucune importance, puisque par l’un et par l’autre concile il est certain que le baptême des hérétiques est valide.
Saint Cyprien n’appuyait son opinion que sur des paralogismes : il prétendait que l’hérétique n’ayant ni le Saint-Esprit , ni la grâce, il ne pouvait la donner ; mais il est certain que le baptême ne tirant son efficacité que de l’institution de Jésus-Christ, la foi du ministre ne peut empêcher l’effet du baptême, pas plus que l’état de péché dans lequel il se trouverait en donnant le baptême.
Ce qu’il disait que personne ne pouvant se sauver hors de la vraie Eglise , il ne pouvait y avoir de baptême chez les hérétiques, est encore un paralogisme ; car, comme on ne sort de la vraie Eglise que par l’hérésie, c’est-à-dire par la révolte à l’autorité de la vraie Eglise, dans les sociétés chrétiennes il
n’y a d’hérétiques que ceux qui participent à cet esprit de révolte ; ceux qui n’y participent pas appartiennent à la vraie Eglise : tels sont les enfants et les adultes qui sont dans une ignorance invincible de la révolte de la société dans laquelle ils vivent.
Enfin, le pape Etienne opposait à saint Cyprien une tradition universelle et immémoriale, et saint Cyprien reconnaît, dans sa lettre à Quintus, la vérité de cette tradition ; il ne remonte pas lui-même au delà d’Agrippin, son prédécesseur.
Mais, dira-l on, comment donc l’usage de rebaptiser les hérétiques s’était-il établi ? Le voici :
Il s’était élevé dans l’Eglise des hérétiques qui avaient altéré la forme du baptême, tels que les valentiniens, les basilidiens, etc. Le baptême de ces hérétiques était nul, et on rebaptisait ceux qui se convertissaient lorsqu’ils avaient été baptisés par ces hérétiques, ce qui n’est point du tout favorable au sentiment de saint Cyprien.
Les donatistes adoptèrent ce sentiment, et saint Augustin l’a très-bien réfuté dans son livre du baptême.
-Abbé Pluquet, Dictionnaire des hérésies, des erreurs et des schismes. Edition Jérôme Millon. 2017. (Publié pour la première fois en 1762, revu et corrigé par l'abbé Claris en 1847 puis publié par l'abbé Migne la même année). Pp. 598-600.
-Abbé Pluquet, Dictionnaire des hérésies, des erreurs et des schismes. Edition Jérôme Millon. 2017. (Publié pour la première fois en 1762, revu et corrigé par l'abbé Claris en 1847 puis publié par l'abbé Migne la même année). Pp. 598-600.