C’est là ce qui bouleverse le monde : que nous négligions nos enfants, que nous prenions soins de leur fortune et dédaignons leur âme, admettant ainsi une conduite qui est le comble de la folie.
Une fortune considérable, opulente, si celui qui peut l’administrer selon la vertu n’est pas un homme sérieux, se perdra tout entière et disparaîtra avec lui, et elle sera pour son possesseur l’occasion du plus grave dommage ; mais un homme à l’âme généreuse et pleine de sagesse, même s’il n’a chez lui rien en réserve, pourra conserver sûrement les biens de tous.
Ce à quoi nous devons viser, ce n’est donc pas à rendre les enfants riches en argent, en or, en avantages de ce genre ; mais nous devons faire en sorte qu’ils soient opulents par-dessus tout en piété, en sagesse, en trésors de vertu, qu’ils aient besoin de peu, qu’ils ne soient pas fascinés par les bien de ce monde et les désirs inconsidérés. Nous devons nous tenir exactement au courant de leurs allées et venues, de leurs passe-temps, de leurs fréquentations, sachant que, si nous sommes négligents sur ce point, Dieu n’aura pour nous aucun pardon. Si on nous demande compte de notre sollicitude pour les autres en général (« Que chacun, dit l’Apôtre, cherche non pas son bien, mais celui du prochain »), à combien plus forte de notre sollicitude pour nos enfants ? « Ne l’ai-je pas mis chez vous dès sa naissance ? » nous dira le Seigneur ; ne vous ai-je pas préposé à sa conduite comme instituteur, protecteur, surveillant et maître ? n’ai-je pas remis entre vos mains l’autorité complète sur sa personne ? Dès sa tendre enfance, je vous ai ordonné de le façonner, de le diriger.
Quelle indulgence méritez-vous, si vous voyez ses écarts d’un œil indifférent ? Que direz-vous ? Qu’il est malaisé à conduire et d’un caractère difficile ? C’est chose dont il fallait vous apercevoir au début ; quand il était tout jeune et maniable, il fallait le soumettre au frein rigoureusement, l’accoutumer au devoir, le dresser, réformer les infirmités de son âme. C’est dans le temps où cette âme était plus facile à cultiver qu’il fallait y sarcler les épines, au temps où, en raison de son âge plus tendre, elles s’arrachaient sans peine ; ainsi, ses passions n’auraient pas été négligées, elles n’auraient pas grandi, elles n’en seraient pas venu au point qu’il est difficile d’en triompher. « Courbe son col dès sa jeunesse » est-il écrit, quand son éducation peut être faite avec le moins de peine.
-Saint Jean Chrysostome