Louis-Joseph Papineau
Louis-Joseph Papineau |
Dans les grandes assemblées qui entretenaient l'agitation, Papineau et ses amis prononçaient des discours républicains et antibritanniques. Dans les "associations de la Réforme", les doctrinaires du mouvement reconnaissant le peuple comme source unique d'autorité, et sapaient l'influence du clergé. Les Fils de la Liberté publièrent un manifeste révolutionnaire, souhaitant émanciper le Canada "de toute autorité humaine, si ce n'est celle de la démocratie".
Le clergé et les esprits modérés contre-carraient ces tendances. La Minerve de Montréal et le Libéral de Québec, organes du mouvement réformiste, décrétèrent les modérés de trahison et déchiquetèrent les mandements des évêques.
Les partisans de Papineau organisèrent les prises d'armes de 1837 et de 1838. Ils ne réussirent qu'à provoquer une répression assez dure. Les chefs de l'insurrection se réfugièrent aux États-Unis [NDLR: au comble, Papineau s'exila sous les traits d'une femme], et vécurent en exil jusqu'à l'amnistie.
Au Canada, l'orage passé, les esprits s'apaisèrent. L'amnistie est proclamée. La plupart des exilés rentrent mûris par l'épreuve. Ces exilés - entre autres, Ludger Duvernay et Georges-Etienne Cartier - se repprochent de leurs anciens adversaires modérés, et renoncent à l'anticléricalisme. Les épouses des révolutionnaires se 1837 se disputent, en 1845, l'honneur de faire la quête à la grand'messe du 24 juin. La Minerve recommande le progrès dans l'ordre, le respect de l'autorité. Le peuple canadien-français, presque à l'unanimité, suit ces conseils.
Mais Papineau n'est pas rentré en même temps que les autres exilés. Papineau séjourne à Paris pendant huit ans. Dans l'histoire européenne, dans l'histoire de France en particulier, ce séjour de Papineau se situe en pleine effervescence entre la Révolution de 1830 et celle de 1848. Papineau fréquente tous les libéraux en vue. Il se lie avec le chansonnier Béranger, et visite Lamennais, emprisonné pour la publication d'un pamphlet révolutionnaire. Il a des entrevues avec les socialistes Louis Blanc et Pierre Leroux. Il rencontre des réformistes d'Angleterre, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne.
Dans ce milieu, Papineau accentue ses idées avancées. Quand il revient au Canada, en 1845, il a, sur plusieurs points, adopté les idées radicales de ces amis français. Ses anciens lieutenants - Denis-Benjamin Viger, Louis-Hippolyte Lafontaine, Augustin-Norbert Morin, Ludger Duvernay, Georges-Etienne Cartier - ont au contraire évolué vers la conciliation.
Papineau, après huit ans d'éloignement, n'est plus à l'unisson du peuple. Il devient, toutefois, l'idole d'un groupe de jeunes libéraux à tendances radicales. Ces jeunes gens fondent un journal, qu'ils appellent L'Avenir, en souvenir de l'éphémère journal de Lamennais. Le groupe de L'Avenir comprend Antoine-Aimé Dorion et ses frères, Joseph Doutre, Rodolphe Laflamme, Louis-Antoine Dessaulles, Jean-Baptiste Daoust, tous plus ou moins marqués d'anticléricalisme. Ces disciples de Papineau reprennent les théories des anciennes "associations de la Réforme". Ils préconisent l'indépendance du Canada, voire l'annexion aux États-Unis. Ils fondent l'Institut Canadien, qui entre bientôt en conflit avec Mgr Bourget. Ce groupe de l'Institut Canadien est le noyau du parti libéral.
-Robert Rumilly, Pages d'histoire politique. Ligue de l'autonomie des provinces. P. 23.