Hérode et Ponce Pilate, deux libéraux très complémentaires
« Quid est veritas ? » Depuis 20 siècles, la formule n’a pas changé.
« Quid est veritas ? » Ce qui signifie : encore un qui y croit ! Encore un illuminé, un pauvre fou !
Un pauvre fou. Tout à l’heure, en effet, c’est la robe blanche des fous qu’Hérode fera jeter sur Jésus. Hérode et Pilate se réconcilieront là-dessus… Ils se rencontrèrent en cet endroit… Tous deux sont libéraux.
Hérode, c’est le libéralisme crapulard de la débauche. Pilate, c’est le libéralisme des gens corrects et qui aiment « se laver les mains » : respecter les formes.
Pilate, c’est le libéralisme des gens réputés honnêtes. Pilate, c’est le chrétien libéral qui, au fond, cherche à sauver Jésus, mais qui commence par le faire flageller avant de l’envoyer à la mort, devant le tumulte croissant que sa démagogie autant que son manque de caractère n’auront pas su arrêter.
En fait et jusqu’à la fin des temps, Jésus continue à être torturé, ridiculisé, mis à mort, de Pilate à Hérode et d’Hérode en Pilate.
« Quid est veritas ? » Encore un illuminé ! Encore un de ces maniaques du rappel de la « thèse », de la doctrine, aux moments les plus inopportuns !
« Et ce disant, Pilate sortit de nouveau vers les Juifs. Iterum exivit ad Judaeos. » On le conçoit, Pilate est un homme « engagé » ! En plein dans l’action ! Et qui a tout autre chose à faire que d’écouter un doctrinaire !
« Iterum exivit... » Iterum : de nouveau. Car, il y était déjà, bien sûr ! Il s’est lancé depuis longtemps ! Avant d’agir, il n’a pas perdu son temps à réfléchir aux responsabilités, pourtant redoutables, de sa fonction. Voyons ! On ne refuse pas semblable situation !
« Iterum exivit ad Judaeos. » Autant dire : Pilate se retourne de nouveau, « iterum », vers le problème concret du moment, « ad Judaeos ». Vers ces Juifs qui sont là, sous le balcon, et qui crient… Voilà ce qui est autrement important que les propos de ce Jésus. Voilà ce qui prime tout.
« Exivit ad Judaeos » Pilate s’en revint vers les Juifs. Mais, et c’est là son péché, sans avoir pris la peine d’attendre et d’entendre la réponse et les directives du Seigneur.
Autrement dit, Pilate replonge dans « l’hypothèse ». Seule chose qui l’intéresse. Mais cela sans avoir attendu la réponse de la doctrine, les lumières de la « thèse » et de la vérité.
Cette vérité, cependant, Dieu fera en sorte qu’elle soit dite jusqu’au dernier terme.
Un peu plus tard, lorsque, dans son délire, la foule réclamera la mort de Jésus, le dernier argument, qui est aussi l’explication suprême, sera lancée à Pilate : « quia Filium Dei se fecit… parce qu’il s’est fait Fils de Dieu… ».
Fils de Dieu ! Voilà la clef de toutes ces énigmes sur lesquelles Pilate bute depuis un long moment.
Fils de Dieu ! Voilà qui explique tout et ce que, dans Sa miséricorde, notre Seigneur a voulu que Pilate entende au moins une fois.
On conçoit l’affolement du Romain. Depuis qu’il a ce « roi des Juifs » devant lui, il va d’étonnement en étonnement. Toutes ses conceptions de pragmatique retors sont bousculées, renversées…
Jésus frappe désespérément à la porte de cette âme par tous les moyens qui peuvent être mis en œuvre… jusqu’aux rêves de sa femme… Ce libéral comprendra-t-il enfin ?
Non ! Il est seulement effrayé, pris de panique.
« Lorsque Pilate entendit cette parole, il eut encore plus peur. »
Cette fois, il veut savoir : « D’où es-tu ? » Autrement dit : « Qui es-tu ? » Mais d’où viens-tu, homme extraordinaire ? Dis-moi quel est ton mystère afin que je comprenne, enfin.
Jésus garde le silence. Après tout ce qu’Il a dit, après cette flagellation que Pilate vient d’ordonner, la Vérité n’a pas à répondre à de telles injonctions.
Devant le silence de ce prisonnier inouï, la crainte de Pilate décuple. Il a peur, comme tous les faibles. Et, comme tous les faibles qui ont peur, il va non, certes, faire sentir sa puissance à cette foule hurlante en donnant l’ordre aux soldats de la disperser. Non ! Il va « crâner » devant cet homme enchaîné et apparemment impuissant. Il va menacer le Juste au nom de ce qu’il croit être son « autorité ».
« Tu ne me parles pas ? Ne sais-tu pas que j’ai pouvoir de te crucifier et de pouvoir te relâcher ? »
Et Jésus de répondre : « Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné d’en haut. »
« Tu n’aurais… » Toi, Pilate… c’est-à-dire : toi, homme politique quelconque investi d’une parcelle d’autorité… qui que tu sois : simple fonctionnaire, juge, député, ministre, gouverneur, prince ou roi… tu n’aurais aucun pouvoir si tu ne l’avais reçu d’en haut, c’est-à-dire : de Dieu, c’est-à-dire de Moi.
Et puisque ton pouvoir est un pouvoir politique, juridique, social, le seul fait que je vienne affirmer que ce pouvoir vient de Moi prouve sans contestation possible, que la royauté que je revendique, bien que n’étant pas de ce monde, s’exerce quand même sur lui, sur les individus comme sur les nations. Et cela parce que Je me dis « Fils de Dieu ».
Jean Ousset – Pour qu’il règne (1959) source