Mgr Louis-Nazaire Bégin, cardinal de Québec (1898-1925) |
Il semble que le protestantisme ne devrait jamais se permettre pareille objection, attendu qu'il est question de ces particularités du culte en beaucoup d'endroits de la Sainte Ecriture pour laquelle il affecte une profonde vénération. Mais ce n'est pas la première fois que l'erreur se contredit elle-même; l'inconséquence lui est presque naturelle.
Ouvrons la Bible un instant. Dieu ordonne à Moïse de fabrique de l'encens, un parfum particulier destiné à brûler devant le tabernacle; il lui en indique la composition précise, jusque dans les moindres détails, et il défend d'en préparer de semblable pour les usages ordinaires.
D'après la loi mosaïque, les objets offerts en sacrifice étaient parsemés de résines odorantes. De même dans le temps de Jérusalem, on offrait caque jour, matin et soir, le sacrifice de l'encens.
L'Apocalypse nous montre un ange se tenant avec un encensoir d'or devant l'autel qui est près du trône de Dieu; une grande quantité de parfums lui est donnée et la fumée de l'encens, composée des prières des saints, s'élève devant le Très-Haut. Jésus vient d'apparaître au milieu des hommes; les mages, accourus de l'Orient pour lui offrir le tribut de leurs adorations, lui présentent de l'encens. - L'évangile fait l'éloge de la femme pécheresse qui, étant venue trouver Notre-Seigneur dans la maison du pharisien, lui baise les pieds et les oint de parfums précieux.
L'usage de brûler de l'encens a toujours été conservé dans l'Eglise chrétienne. D'abord en vigueur dans les régions de l'Orient, il s'est propagé en Occident; les Constitutions Apostoliques, les écrits de saint Ambroise et de saint Ephrem, les liturgies de saint Jacques, de saint Marc, de saint Basile et de saint Jean Chrysostome nous parlent d'encensements qui avaient lieu pendant le saint sacrifice.Cette coutume religieuse qui renferme un témoignage de respect, n'est donc pas nouvelle; elle est aussi ancienne que l'Eglise et elle a même son fondement dans les Livres Saints.
Les anciens écrivains ecclésiastiques, tels que Tertullien, Lactance et Arnobe, qui semblent parfois répudier l'usage de l'encens, ne le condamnent pas d'une manière absolue, mais seulement lorsqu'il est offert aux idoles par les païens et que ces païens espèrent être purifiés de leurs souillures par cette seule oblation extérieure.
Dans l'Eglise catholique, on encense le Saint-Sacrement pour exprimer l'adoration due au Sauveur caché sous les espèces eucharistiques; on encense les reliques et le livre des Evangiles afin de manifester le respect dû aux saints et à la parole de Dieu. Les autres encensements que l'on fait sur les objets bénits, sur le pain et le vin destinés au saint sacrifice sont une image symbolique de la grâce qui sanctifie ces objets et les soustraits à un usage profane. L'encensement du célébrant et des fidèles présents à la sainte messe signifie que leurs prières et leurs bonnes œuvres doivent s'élever vers le ciel comme un encens d'agréable odeur, suivant ces paroles du Psalmiste : " Que ma prière s'élève comme l'encens en votre présence. "
Y a-t-il dans ce magnifique symbolisme le moindre vestige d’idolâtrie ? Personne n'osera le soutenir.
-Abbé Louis-Nazaire Bégin, Le culte catholique. Québec, 1875. Pp. 106-109