mardi 10 janvier 2017

Le Tocsin: La loi 92 – parlementarisme et Révolution




Extrait de la chronique Le Tocsin -
Le Carillon - No.13 - janvier 2017
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Le 6 décembre dernier était adopté, à l’Assemblée Nationale, le projet de loi 92. Déposé au début du mois d’avril 2016, ce projet était bon dans les principes – lutter contre les frais accessoires illégaux dans le domaine de la santé. Le premier document déposé par le ministre Gaétan Barrette allait comme suit :

« Ce projet de loi modifie la Loi sur l’assurance maladie afin notamment de permettre à la Régie de l’assurance maladie du Québec de recouvrer d’un professionnel de la santé ou d’un tiers une somme illégalement obtenue d’une personne assurée, sans qu’une demande de remboursement ne lui soit présentée au préalable. »

Tout se déroulait normalement, à commencer par les consultations publiques pour recueillir l’avis des experts, suivies des séances parlementaires pour délibérer sur la forme et la validité des amendements proposés par le ministre de la Santé et des Services Sociaux. C’est le 29 novembre lors de la 16e séance d’étude détaillée en commission sur le projet de loi 92, après 9 mois de délibérations et à la veille du dépôt du rapport qui allait mener à l’application du projet de loi, que les députés, à l’unanimité, y ont injecté le poison révolutionnaire proposé par Gaétan Barrette.

Après toutes les expertises, tous les débats sérieux sur les médicaments, les professions et d’autres aspects économiques et moraux importants du système de santé, quelques amendements sont ajoutés promptement avant le dépôt final. Deux amendements hors sujet, mais unanimes, viennent interdire la présence des groupes anti avortement dans un périmètre de 50 mètres des « centres de santé de la femme ». Un troisième amendement, le 70e et dernier selon la liste des amendements adoptés, vient couronner d’importance le dossier greffé in extremis – on renomme carrément le projet de loi 92 :

« Projet de loi n° 92 : Loi visant à accroître les pouvoirs de la Régie de l’assurance maladie du Québec, à encadrer les pratiques commerciales en matière de médicaments ainsi qu’à protéger l’accès aux services d’interruption volontaire de grossesse (titre modifié) »

On apprend également que le titre proposé par Gaétan Barrette était beaucoup plus clair sur la cible, mais un peu trop clair sur les intentions des parlementaires :

« Ainsi que les manifestations aux abords des lieux où sont offerts des services d’interruption de grossesse »

Mais quel est le lien entre les frais accessoires illégaux dans le système de santé et le travail que font des mouvements comme Campagne Québec Vie? Ce que nous apprennent les parlementaires, c’est que quand il s’agit d’appliquer l’agenda révolutionnaire, trois amendements à l’envolée valent autant que 9 mois d’expertises, de contre-expertises et de délibérations sur un projet de loi complexe…

Gaétan Barrette encense finalement son œuvre le 2 décembre, extrait du trop méconnu Journal des débats de l’Assemblée Nationale de la même date :

« Et on a profité du projet de loi n° 92, qui était présent, pour y ajouter une série d’amendements qui ont été proposés et adoptés à l’unanimité. Je suis très fier de ça, moi, Mme la Présidente, et je suis très fier de la collaboration aussi que nous avons eue de l’opposition officielle, la députée d’Hochelaga-Maisonneuve, qui a participé, évidemment, à ces discussions-là, ayant elle-même déposé un projet de loi privé à cet égard-là. Mais je tiens à mentionner, Mme la Présidente, que cet objet-là, cet élément-là, il était sur notre table, et nous allions arriver à destination. Et évidemment, j’ai profité de l’occasion qui m’était offerte, après, évidemment, discussion avec mes collègues, d’aller de l’avant avec ça. Alors, ça, Mme la Présidente, voilà, à mon avis, une autre avancée, tant du côté du médicament que dans la protection des droits des femmes du Québec. »

Qu’en est-il de l’expertise sur le sujet? Il ne peut y avoir aucun mémoire de déposé, aucune intervention à l’assemblée sur un « amendement surprise » déposé au terme de l’étude détaillée en commission. Les consultations publiques sont lancées au tout début du processus, et on devrait au moins s’attendre à connaître l’orientation finale du titre de la loi.
Pourtant, le ministre le dit dans la citation plus haut :

« Mais je tiens à mentionner, Mme la Présidente, que cet objet-là, cet élément-là, il était sur notre table, et nous allions arriver à destination. »

S’il est démocratique de greffer n’importe quel règlement sur un sujet qui ne concerne pas du tout le projet de loi en question, nous n’en avons décidément pas fini avec le parlementarisme! Et n’allons pas croire que nous avons affaire ici au zèle ou à l’opportunisme féministe de nos élus québécois. Rappelons-nous que le combat révolutionnaire contre la civilisation occidentale chrétienne se déroule au niveau international.

Les parlements britanniques et australiens légifèrent actuellement pour des mesures similaires, alors que la France pour sa part s’attaque à un moyen de propagande pro-vie encore plus large, soit l’interdiction de sites internet anti avortement… Cela, d’ailleurs, a toujours été un des chevaux de bataille de la franc-maçonnerie moderne.

Nous aurions beau jouer le jeu de la démocratie, et rester à l’affût du moindre dépôt de projet de loi ou de la moindre annonce de consultations publiques… Encore faudrait-il qu’ils ne soient pas truqués au profit d’un agenda caché.

 

-Kenny Piché