Monument François-Xavier Garneau à Québec |
Reçu notaire en 1830, François-Xavier Garneau commença à recueillir des notes historiques sur le Canada, et bientôt, le 20 juin 1831, au prix de laborieuses épargnes, il passa en Angleterre. Il s'y mit tout de suite à l'étude des institutions anglaises. Après une courte visite en France, il rentra à Londres où il eut la bonne fortune de devenir le secrétaire de Denis-Benjamin Viger, qui était alors agent diplomatique des Canadiens français auprès du gouvernement anglais. Le jeune secrétaire passa deux années à Londres.
De retour à Québec, le 30 juin 1833, François-Xavier Garneau essaya, sans s'y attarder longtemps, d'exercer sa profession de notaire; puis il fut comptable dans une banque et, enfin, nommé traducteur à la Chambre du Bas-Canada. C'est Dans cette situation de fonctionnaire qu'il devait trouver le temps nécessaire pour mener à terme son projet d'histoire du Canada. Le premier volume parut en 1845, le deuxième en 1846, le troisième en 1848: ces volumes ne conduisaient le récit des événements que jusqu'à 1792. En 1852, l'auteur publiait une deuxième édition, où le récit atteignait 1840. En 1855, Garneau publia son Voyage en Angleterre et en France. Il mourut à Québec en 1866. Les cendres de celui que l'on a appelé notre « historien national » reposent dans le cimetière de Belmont, aux portes de la ville, près du champ de bataille de Sainte-Foy dont il a raconté la gloire.
L'Histoire du Canada de Garneau comprend d'abord l'histoire de toutes les colonies françaises de l'Amérique du Nord, depuis leurs origines jusqu'au traité de 1763. A partir de cette date, L'auteur concentre son récit sur le Canada proprement dit.
Garneau travailla à une époque où les sources documentaires de notre histoire étaient assez mal connues et peu accessibles aux travailleurs. Cependant, il faut louer chez lui le souci du renseignement et de l'exactitude, bien qu'il ait été nécessaire plus tard, à la lumière des recherches nouvelles, de corriger ou de modifier son texte, et de rectifier quelques-uns de ses jugements. Il faut le louer aussi de n'avoir pas versé dans le panégyrique patriotique, écrivant l'histoire en un temps où il fallait défendre sur bien des points, contre d'injustes préjugés, le passé du peuple canadien-français. Il a particulièrement vengé la mémoire des vaincus de 1760, et refait à leur honneur l'histoire de la conquête.
Garneau a fait surtout l'histoire politique du Canada. Formé à l'école d'Augustin Thierry et de Guizot, il se plaisait dans les considérations d'ordre général ou philosophique. La philosophie de Garneau n'est pas exempte des influences du libéralisme de l'époque. Ceci peut expliquer que l'historien n'ait pas toujours apprécié ou jugé comme il le fallait les questions relatives au rôle du clergé dans notre histoire, et son intervention, soit dans la politique ou l'administration de la colonie, comme le fit Mgr de Laval, soit dans le domaine de l'éducation.
Mais l'oeuvre de F.-X. Garneau n'en reste pas moins un premier monument de haute valeur élevé à l'histoire du peuple canadien, un monument conçu et exécuté par un grand esprit. Le style lui-même contribua au succès de l'oeuvre. Volontiers romantique, et souvent avec excès dans la première édition, il correspondait au goût des lecteurs contemporains. La phrase était souvent déclamatoire. L'auteur a corrigé dans les éditions subséquentes ce qu'il y avait de trop inexpérimenté ou de trop jeune dans son style. Et le style est resté vivant, alerte. On ne saurait exagérer l'enthousiasme soulevé par la lecture de l'Histoire du Canada de Garneau, quand elle parut. Elle était une révélation lumineuse du passé. Les jeunes gens surtout l'accueillirent avec une vibrante admiration. Garneau fit école. C'est de lui que procédèrent les historiens et les poètes de l'époque suivante.
Mgr Camille Roy, Manuel d'histoire de la littérature canadienne de langue française. Librairie Beauchemin limitée. Montréal, 1955. Pp 35-37