Qu'en penser?
- Publié en 1946 par Dom Botte, le « canon de saint Hippolyte » a été censuré par la nouvelle liturgie. Il affirmait par exemple que le Christ « s'est livré volontairement à la Passion pour détruire la mort, briser les liens du démon, fouler aux pieds l'enfer et illuminer les justes ». Ce passage (gênant ?) a tout simplement disparu.
- Qui est Hippolyte ? Un prêtre romain qui s'éleva en antipape contre le pape Calixte - mais se réconcilia avec son successeur avant de mourir martyr. Le P. Roguet avoue : « Hippolyte ne donne pas son texte comme un canon, c'est-à-dire une formule fixe et obligatoire, mais plutôt comme un modèle pour l'improvisation : son texte ne fut donc sans doute jamais prononcé tel quel. Enfin, il était un personnage très réactionnaire. Opposé à la hiérarchie romaine au point de se poser en antipape (ce qu'il racheta par le martyre), il est fort possible qu'il ait présenté son anaphore contre la prière eucharistique alors employée par Rome. » [1]
- Ajoutons que la reconstitution du texte initial est hypothétique. Dom Botte lui-même a donné à sa dernière édition du « canon de saint Hippolyte » le titre prudent : « Essai de reconstitution ». Il s'agit, en fait, d'un « essai de reconstitution d'un texte écrit probablement en grec, mais dont il ne reste que des traductions elles-mêmes incorporées à d'autres documents où il n'est pas facile de distinguer ce qui est citation et ce qui est adaptation ».
- L. Grenier, chargé de recherches au CNRS, précise : « Ce texte n'existe pas réellement. Il s'agit en effet d'une reconstitution opérée par Dom Botte à partir de plusieurs documents liturgiques anciens auxquels Dom Botte supposait un archétype, un ancêtre commun, ancêtre qu'il a baptisé Tradition apostolique et qu'il a reconstruit à partir de leur plus petit dénominateur commun. Ce texte est un document fantôme, on ne le trouve dans aucun manuscrit : il n'existe tout simplement pas. C'est le fruit d'une hypothèse ».
Résumons : Le canon n°2 est l'adaptation (censurée) de l'hypothétique reconstitution du plus petit dénominateur commun de prières dont l'auteur, s'il existe, est un antipape qui cherchait vraisemblablement à s'opposer au canon romain.
Il était difficile de trouver une origine plus douteuse...
Le texte ne parle pas du sacrifice, les mots « oblation » ou « victime » ne figurent même pas; les mentions de l'enfer vaincu et de la délivrance du démon ont été soigneusement gommées.
On comprend les mises en garde de Pie XII contre l'« archéologisme » [2] !
MJCF, La messe a-t-elle une histoire ?
[1] Pourquoi le canon de la messe en français ?, 1967.
[2] Encylique Mediator Dei, 1947.