Extrait des Biographies évangéliques de Mgr Gaume.
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Cinq ans après la mort de Notre-Seigneur, l'année qui précéda celle de Tibère, un imposteur fit prendre les armes aux Samaritains : "Venez avec moi sur le mont Garizim, leur disait-il, là sont enfouis les vases sacrés que le Seigneur fit faire à Moïse : je vous les montrerai". Ils le crurent ou feignirent de le croire; car le vrai but de l'appel aux armes était de se soustraire aux vexations de Pilate. Arrivés dans les montagnes, à un village nommé Tarathaba, ils furent rejoints par une multitude de leurs compatriotes. Pilate, envoya pour les disperser un corps d'infanterie et de cavalerie. Ces troupes s'emparèrent des défilés de la montagne, mirent les Samaritains en fuite et les taillèrent en pièces. Beaucoup furent faits prisonniers. Pilate choisit les plus marquants et les fit mettre à mort.
Sur ces entrefaites, Vitellius, qui fut plus tard empereur, venait de prendre le gouvernement de la Syrie. Les Samaritains lui envoient une députation pour se plaindre de la cruauté de Pilate : "Ce n'est nullement, disent-ils, pour nous soustraire à la domination romaine que nous avons pris les armes et que nous nous sommes réfugiés dans les montagnes, c'est uniquement pour échapper à la tyrannie de Pilate". Sur-le-champ, Vitellius appelle son ami Marcellus, le nomme gouverneur de la Judée et envoie à Pilate, avec sa destitution, l'ordre de se rendre immédiatement à Rome, pour répondre devant l'empereur aux accusations des Juifs.
Ces accusations étaient nombreuses. Avoir profané la ville sainte, volé le trésor du temple, vendu ses jugements, fait mourir les innocents : tel était, au témoignage de l'histoire, le dossier du vertueux président. Obligé d'obéir sans réplique et sans délai, Pilate part pour Rome, Tibère meurt pendant le voyage.
C'est devant son successeur, Caligula, que Pilate dut comparaître. Celui qui, pour ne pas perdre sa place, avait condamné l'innocent, fut à son tour condamné pour des crimes trop réels et trop nombreux. Dépouillé de toutes ses dignités, Pilate fut banni à perpétuité et relégué dans les Gaules, dans la ville de Vienne, appelée alors le Carcer Romanorum, la grande prison des Romains, ou la prison des grands coupables romains. Il y arriva vers la fin de l'année 38 de Notre-Seigneur.
Accablé de chagrins, dévoré de remords, exaspéré des mauvais traitements que Caligula avait ordonné d'ajouter aux rigueurs de l'exil, Pilate finit par se suicider. Ce dernier crime, qui combla tous les autres, eut lieu après trois années de bannissement, l'an 41 de Notre-Seigneur et la troisième année du règne de Caligula.
Ainsi finit, pour l'instruction des persécuteurs du christianisme et des ambitieux qui sacrifient leur conscience à leurs intérêts, Ponce-Pilate, dont le nom, tristement immortel, est devenu synonyme de bassesse, de félonie et de vénalité.