1. A vrai dire, nous devons prier sans interruption, car Jésus-Christ demande que l’on « prie toujours et que l’on ne cesse jamais. »
La prière continuelle nous protège comme une forteresse contre le démon, comme une cuirasse à l’épreuve des traits
de nos ennemis (Th. Kemp.), comme un port sûr où les tempêtes ne peuvent nous
atteindre. (S. Chrys.) Le démon peut nous surprendre à tout instant: il faut
donc toujours être prêt à la prière, comme les gens exposés sans cesse au danger
du feu ont toujours de l'eau en réserve. (S. Chrys.) Le soldat ne va jamais à la guerre sans ses
armes, le chrétien ne doit jamais sortir
sans se munir de la prière. (S Gilles). C’est en priant constamment que nous
persévérons le plus sûrement dans
la grâce de Dieu jusqu'à la mort (S.
Th. Aq.), et que comme un train toujours adhérent aux rails, nous arrivons
promptement et avec sécurité à notre destination.
Cependant Dieu n’exige pas, ce serait d’ailleurs impossible,
que nous soyons constamment à genoux; il faut joindre
le travail à la prière.
Notre mot d’ordre doit être: « La main au travail, le
coeur à Dieu! » Il faut unir la vie de Marthe —
vie active — avec la vie de Marie — vie contemplative (S. Luc. XVIII, 40). La vie de Marthe était
bonne, celle de Marie meilleure; les deux
jointes ensemble sont ce qu’il y a de plus parfait. (S. Bern.) Jésus-Christ qui est un modèle pour tous, unissait la prière au travail.
(8. Gr. Gr.) En ce monde nous devons prier par les oeuvres et les actions (S.
Fr. de S.), à la
mort seulement les oeuvres
cesseront, et la contemplation de la Majesté divine deviendra notre unique occupation.
(S. Gr. Gr.) Celui qui prétexterait la prière pour ne pas travailler, ne devrait
pas non plus manger, selon la sentence de S. Paul (II. Thess. III, 19).
Il faut commencer son travail avec la bonne
intention d’honorer Dieu, et
pendant ses occupations, faire souvent des oraisons jaculatoires.
C’est pour que nous pensions souvent à Dieu dans la journée
que l’on a élevé des
croix et des statues au bord des routes : en
les apercevant, le voyageur se souvient de Dieu. Tous les saints ont pris l’habitude
des oraisons jaculatoires. Ste Thérèse
avait dans sa cellule une image représentant Jésus-Christ au puits de Jacob: de
temps à autre elle y jetait les yeux en disant: « Seigneur, donnez-moi de
cette eau vive! » S. Ignace disait, comme oraison jaculatoire : « Tout
pour la plus grande gloire de Dieu! » Sans les
prières jaculatoires, notre repos deviendra de l’oisiveté, et notre activité ne
sera plus que distraction et désordre. (S. Fr. de S.)
Celui qui au contraire élève de temps en temps son âme à
Dieu par des oraisons jaculatoires, se retrouve
facilement au milieu du
tourbillon du monde, comme le matelot qui ne perd pas des yeux la boussole. Les
prières jaculatoires ont une grande
vertu; elles sont exemptes de distractions, parce qu’on les fait avec beaucoup de ferveur. « Une
prière jaculatoire que l’on répète cent fois avec dévotion, a souvent plus de
valeur que cent prières différentes que l’on ne dit qu’une fois. » (S. Fr.
de S ) Au jardin des Oliviers,
Jésus-Christ a répété plusieurs fois les mêmes paroles, et
S. François d’Assise aussi passait des nuits entières à répéter: « Mon
Dieu et mon tout! » S. Paul nous adresse cette exhortation: « Soit
que vous mangiez, soit que vous buviez, ou quoi que vous fassiez, faites tout
pour la gloire de Dieu » (I. Cor. X, 31); il faut donc s’habituer à faire
dès le matin la bonne intention et la renouveler brièvement avant chaque action.
Mais on fait encore mieux quand on consacre à la prière tous les moments libres.
« Priez donc! répondit un jour, le B. Clément Hofbauer à
un homme qui, par désœuvrement se plaignait de ne savoir que faire » Les
saints priaient dès qu’ils en avaient le loisir: l’Apôtre S. Jacques, évêque de
Jérusalem, priait si souvent que la peau de ses genoux était devenue aussi dure
que celle d’un chameau. (Jos. Flav.) Le vrai chrétien prie toujours, mais sans
qu'on s’en aperçoive; il prie dans son coeur, même au milieu de ses relations avec le prochain, dans ses promenades,
dans ses
travaux et quand il se repose. (Clément Al.)
Il est utile aussi de contempler les choses visibles pour s’élever en esprit jusqu’aux choses invisibles.
C’est une pratique très facile, parce que la création
visible et notre religion ont en beaucoup de points, comme oeuvres du même Créateur,
beaucoup d’analogies. S. Grégoire de Nazianze considérait au bord de la mer les coquillages rejetés par les vagues et admirait la
solidité de leur construction : la première observation lui rappelait les
hommes qui ne savent pas se dominer; la seconde, ceux qui ne se laissent entraîner
par aucune tentation. Puis il demandait à Dieu le don de force.
S. Fulgence vit à Borne le triomphe du
roi Théodoric : il en conclut que le triomphe d’une âme entrant au ciel devait être
encore plus magnifique. En apercevant une
brebis, S. François d’Assise se souvenait de
la douceur de Jésus Christ; S. Basile, à la vue d’une rose, songeait aux
amertumes qui sont mêlées à toutes les joies du monde.
S. François de Sales, passant près d’une église se disait : « Nous aussi, nous sommes les temples de
Dieu » ; en voyant des champs,
il s’écriait : »Nous aussi, nous
sommes les champs cultivés par Dieu et arrosés du sang de Jésus-Christ; en
considérant une belle
image. » Dans les anges et les
hommes qui sont les images de Dieu, disait-il, nous voyons resplendir la Majesté
divine. Un convive de Jésus-Christ avait déjà dit en voyant du pain: « Heureux
qui mangera du pain dans le royaume de Dieu ! »
(S. Luc. XIV, 15). Il est facile de méditer ainsi, parce que
toutes les choses visibles nous
rappellent la toute-puissance et la bonté de Dieu et nous excitent en quelque sorte
à l’adorer. « Notre vie tout entière doit être une prière continuelle »
(S. Hilaire), car il faut dégager notre esprit des choses terrestres et vivre déjà
maintenant comme dans le ciel. (Phil. III, 20).
2. Nous devons en particulier
prier le matin
et le soir, avant et après les repas, et quand la cloche de l’église
nous engage à la prière.
1. Le matin, nous devons remercier
Dieu de nous avoir protégés pendant la
nuit, et le prier de nous préserver pendant le jour de tout accident et du péché,
et de nous donner ce qui est nécessaire à la vie.
Il faut autant que possible faire la prière du matin à genoux, et ne prendre
son déjeuner qu'après avoir prié. (S.
Jér.) Omettre sa prière du matin, c’est ressembler aux animaux sans raison; les petits oiseaux eux-mêmes
saluent de leurs chants mélodieux le commencement du jour (S. Amb.) : l’alouette
s’élève vers le ciel aussitôt qu’elle s’éveille, et redit son chant matinal,
c'est seulement après, qu’elle
cherche sa nourriture sur la terre.
Une bénédiction particulière
est attachée à la prière du matin (Eccli. XXXII, 18), c’est à elle surtout que s’applique le
proverbe : « L’heure matinale a de l’or sur les lèvres. » Les
Israélites trouvaient la
manne avant le lever du soleil,
et nous, nous obtenons la bénédiction de Dieu, si nous l’adorons avant l’aube. (Sag. XVI, 28). Une jeunesse bien employée a une influence décisive sur le reste de la vie ; on peut en dire autant du matin de
chaque jour, (Overberg). Les premières impressions que l’on ressent à l’approche d’un
homme ne sont-elles pas souvent décisives sur la conduite que l’on tiendra
envers lui? Dieu observe lui aussi avec attention notre conduite aux premières heures du
jour. C’est au matin que l’on trouve
Dieu le plus facilement (Prov. VIII, 17),
aussi les premiers chrétiens se réunissaient-ils pour la prière avant le lever du jour.
Il ne subsiste plus
de cette tradition que la coutume de sonner la cloche pour exhorter les chrétiens à la prière du matin. Se livrer immédiatement à ses occupations
temporelles, sans avoir fait sa
prière du matin, c’est monter dans un train qui n'est pas le
bon, et part pour une tout autre direction que celle qu’on s’était proposée. Un compte où l’on se trompe
aux premiers chiffres, est fautif tout
entier. Quand un étudiant
travaille mal la première année, il lui manque les principes et il fera peu
de progrès ; il en est de même de celui qui néglige sa prière du matin : la bénédiction
de Dieu n'accompagne point ses travaux. Si Tes fondations ne sont pas solides, la
maison s’écroulera, et le travail de la journée sera sans fruit, si l’on omet la prière
du matin.
2. Le soir, il faut remercier Dieu des bienfaits reçus dans la journée, lui demander de nous pardonner les fautes commises pendant le jour, et de
nous protéger pendant la nuit.
Quand vous donnez un morceau de pain à un pauvre, il ne s’en
va pas sans vous
avoir mille fois remercié; et vous voudriez aller vous reposer sans remercier Dieu qui vous a
nourri pendant toute la journée? (S. Bern.) N'oubliez pas que Jésus-Christ a
souvent prolongé sa prière dn soir jusque bien avant dans la nuit. Comme c’est surtout
pendant la nuit que la mort conduit les hommes au tribunal de Dieu, on doit
avoir soin, dans la prière du soir, d'examiner
sa conscience et de s’exciter à la
contrition parfaite. Chaque joueur, chaque commerçant a soin, le soir, de faire
ses comptes pour voir s’il est en perte ou en gain, bien qu’il ne s’agisse que
d’un avantage temporel : ainsi chacun devrait, à la fin de la journée, examiner comment il a pourvu
aux intérêts de son âme. (S. Eph.) Commencer le jour avec Dieu, le terminer
avec Dieu, c'est l’idéal de la vie.
3. Avant et
après le repas nous devons remercier Dieu de la nourriture qu’il nous donne, et le prier de nous préserver des péchés que l’on commet ordinairement
dans les repas.
Avant le repas, Jésus-Christ rendait toujours grâces à son Père céleste. (S. Marc VIII, 6);
ordinairement il levait les yeux au ciel, puis inclinait la tête, comme il le
fit à la dernière Cène: il voulait dire par là: « Père, je vous remercie. »
« Quand vous aurez mangé, dit Moïse, et que tous vous
serez rassasiés, prenez bien garde d’oublier le Seigneur. » (Deut. VI,
12). Daniel, dans la fosse aux lions, remercia Dieu sur le champ pour la
nourriture qu’il lui avait envoyée. (Dan. XIV, 37). Celui qui ne prie ni avant
ni après les repas, ressemble à l’animal sans raison. — Les péchés que l’on commet souvent à table sont: l’intempérance, la colère
(parce que les aliments ne sont pas assez bons), la médisance; en outre, quand
le corps est trop bien nourri, il s'élève en lui de nombreuses tentations de
paresse, de colère, d'impureté, tentations auxquelles David et plusieurs autres
ont succombé : motif de plus pour être exact à la prière avant et après les
repas. En mangeant et en butant, n'oublions
jamais Dieu.
4. La cloche nous avertit trois fois par jour, le matin, à midi et le
soir de réciter l‘Angélus;
le jeudi soir, de penser à l’Agonie de Jésus-Christ ; le vendredi à 3
heures, de nous souvenir de la mort du divin Sauveur;
et de prier pour ceux qui viennent de mourir, et pour ceux que
l'on enterre.
En plusieurs contrées, on sonne encore au moment de l'élévation, et quand on donne la bénédiction
du 88. Sacrement. N’oublions pas de
prier quand l’Eglise nous y invite, car c’est ici le cas de répéter les paroles
de S. Augustin: « Celui qui prie
avec l’Eglise, prie de la manière la plus utile. » — La cloche ne nous avertit pas seulement de prier, mais elle appelle au service divin;
elle nous fait penser aux solennités religieuses (tandis que dans la tristesse,
elle se tait, comme au Vendredi Saint).
Par exception, elle nous avertit aussi des dangers qui nous
menacent, incendies, inondations, alarmes de guerre, orages. Dans ces cas, elle nous engage à prier, et la consécration
qu'elle a reçue de l'Eglise lui donne la vertu d'obtenir la bénédiction de Dieu; la cloche prend ainsi part aux joies et aux tristesses de l’homme
; elle est donc sa compagne
pendant toute sa vie et puisqu'elle
nous appelle à la prière et au service divin et nous rend des services comme une créature
intelligente, on lui donne un nom à son baptême. E t comme la cloche remplit une fonction sacrée,
ceux-là seuls avaient autrefois le droit de la sonner, qui étaient revêtus d'un
ordre mineur.
Les cloches n'existaient pas dans l'antiquité; chez les Juifs, les prêtres se servaient de la trompette pour convoquer le peuple. Après les persécutions, les chrétiens se rassemblaient au son du cor ou au bruit de crécelles de bois. Ce n’est qu’au Moyen-âge que l'on se mit à appeler les fidèles en frappant un métal à coups de marteau et ensuite en sonnant les cloches.
3. Nous devons encore prier: dans
la détresse, dans les tentations, avant des entreprises importantes, et quand
nous nous y sentons particulièrement portés.
Un proverbe dit : « La détresse apprend à prier »,
et un autre : « Dans la détresse on rampe vers la croix. » Nous
devons prier dans la détresse, parce que Dieu le veut. « lnvoquez-moi, dit-il, au jour
de la tribulation; je vous délivrerai et vous m’honorerez. » (Ps. XLIX,
15). C'est à la prière qu’eurent recours les Apôtres dans la barque, les chrétiens
pendant la captivité de S. Pierre. Hélas ! souvent dans la détresse on cherche
du secours seulement auprès des hommes. — Dans les tentations aussi nous devons recourir à la prière. « Veillez et priez, dit Jésus-Christ, afin
de ne pas tomber en tentation. » (S* Matth* XXVI, 41).
Dans la tentation nous devons agir comme les petits enfants
qui, voyant arriver une bête sauvage courent aussitôt à leur père ou à leur mère.
(S. Fr. de S ) Si Eve avait prié lorsqu’elle fut tentée, elle n ’aurait pas été
séduite. Pour offrir un refuge aux personnes désespérées,
l’église reste ouverte an peuple toute la journée et bien des suicides ont été évités
par là. — On doit aussi prier avant des entreprises
importantes. « Demande à Dieu qu’il dirige tes voies », disait Tobie (IV, 20),
et Jésus-Christ pria aussi avant de choisir les Apôtres (S. Luc. VI, 12), avant
de ressusciter Lazare (S. Jean XI, 41), et au jardin des Oliviers avant de
commencer sa Passion. (S. Luc. XXII, 41). Les Apôtres prièrent avant d’élire S.
Mathias (Act. I, 23), et S. Pierre avant de ressusciter
Tabitha. (Ibid. IX, 26). S. Jérôme demande encore davantage:
« Quand nous sortons, dit-il, armons-nous de la prière, et quand nous revenons, prions avant de nous rasseoir. »
Ayons soin aussi d’utiliser ces moments où nous nous sentons
touchés par la grâce et pins portés à la prière, comme les matelots qui, sentant le vent favorable, se hâtent d’en profiter; et
nous-mêmes, quand nous voulons faire un voyage,
ne profitons-nous pas du temps propice?
(Louis de Gren.) Hélas! que de gens dans les moments sérieux de la vie
cherchent à se
distraire plutôt par des
divertissements mondains, par ces repas extraordinaires aux premières
communions, aux mariages, etc., dans les grandes solennités, aux funérailles,
etc. Quelle responsabilité!
Dans les moments sérieux on prie avec plus de dévotion - La prière alors vient du fond du coeur et n’est point
sujette aux distractions : elle est comme un arbre bien enraciné, qui brave les
plus violentes tempêtes. (S. Chrys.)
4. On doit prier au moment de la
mort.
L’Eglise ordonne de recevoir les sacrements des mourants dans une maladie grave: elle désire alors qu’au moins on
invoque le Nom de
Jésus. Celui qui prie au moment de mourir
fait comme l'alouette
qui, frappée par le chasseur, continue,
dit-on, son chant jusqu’à ce qu’elle tombe inanimée, comme le cygne, qui se met à chanter avant de mourir.
-François Spirago, Catéchisme catholique populaire