lundi 8 décembre 2014

III. La manière de prier

Une pomme bien mûre nous est plus agréable que cent pommes gâtées; de même Dieu préfère une prière courte et bien faite à une longue prière mal récitée. « Quand vous priez, dit Jésus-Christ, ne parlez pas beaucoup comme les païens: ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. » (S. Matth. VI, 7). Dieu ne juge pas de la valeur de la prière par sa longueur, nous le voyons par les courtes prières de David, du bon larron du publicain dans le temple. Beaucoup récitent de longues prières sans être exaucés; d’autres ne remuent pas même les lèvres et obtiennent tout ce qu’ils demandent (M. Lataste), parce qu’ils prient bien.

 
Si nous voulons que la prière nous soit utile, nous devons prier,

 
1. Au nom de Jésus, c.-à-d. ne demander que ce que veut N.-S. Jésus-Christ.

« Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, Je  vous le donnerai » dit Jésus-Christ. (S. Jean XVI, 23). Or, Jésus veut tout ce qui contribue à la gloire de Dieu et à notre salut. Ste Monique qui pendant 18 ans demanda la conversion de son fils, priait donc au nom de Jésus-Christ. Comme dans le  « Pater». on demande ce que Jésus-Christ veut et que cette prière nous vient du divin Sauveur lui-même, celui qui la récite prie vraiment en son nom. « Nous ne prions pas au nom de Jésus-Christ, quand nous demandons ce qui peut être funeste à l'âme. »  (S. Aug.)

Celui-là ne prierait pas au nom de Jésus, qui demanderait la mort de son ennemi, un gain à la loterie, de grands honneurs ou autres choses superflues; mais celui qui demanderait à Dieu du travail, du secours dans la détresse, la conversion d’un pécheur, etc. Au lieu de dire: « Prier au nom de Jésus-Christ », on peut dire aussi: « Prier selon l’esprit de Jésus-Christ, ou selon l’intention de Jésus-Christ. » Celui qui prie le mieux, c’est celui qui prie avec l’Eglise (S. Aug.) ; l’Eglise en effet prie au nom de Jésus-Christ, et c’est pourquoi elle termine toutes ses prières par cette formule: « Par Jésus-Christ Notre-Seigneur »


2. Avec dévotion, c.-à-d. qu’en priant nous devons penser à Dieu.

Considérez un joueur: comme il examine ses cartes! comme il est attentif à son jeu ! A combien plus forte raison celui qui prie devrait donc diriger toutes ses pensées vers Dieu! La prière est une conversation avec Dieu, or, lorsqu’on parie à quelqu’un, on ne s’occupe que de lui, et dans la prière notre esprit doit être tout entier à Dieu. Lorsque vous le priez, élevez votre coeur en même temps que les mains. Beaucoup n’honorent Dieu que du bout des lèvres; leur coeur est loin de lui (S. Matth. XV, 8); tandis qu’ils prient, ils pensent à leurs intérêts temporels, ou prient comme s’ils parlaient à la muraille ou au plancher. Celui qui prie avec distraction ou tiédeur, c.-à-d. sans dévotion, n’obtiendra rien de Dieu. « Comment pouvez-vous exiger que Dieu fasse attention à vos prières si vous-mêmes n’y faites pas attention? » (S. Cyp ) Celui qui prie mal et espère néanmoins être exaucé, ressemble à un homme qui, jetant de mauvais blé dans un moulin, en attend une bonne farine. (S. Bern. Cependant il n’est pas nécessaire d’éprouver une dévotion sensible, c.-à-d. de ressentir dans la prière une consolation particulière et une joie extraordinaire. Une telle dévotion est une grâce spéciale, une récompense que Dieu peut accorder, mais qui n’augmente pas le prix de notre prière, pas plus que le dégout et la sécheresse que l’on éprouve quelquefois, ne rendent la prière plus mauvaise; une prière semblable peut même être bien plus méritoire, parce que l’on souffre en la faisant. (Ste Thér.)

La dévotion qui est la plus agréable à Dieu, est celle pour laquelle on est obligé de se vaincre (Ste Ang. de Folig.). Aussi le dégoût et la sécheresse ne doivent jamais nous faire abandonner la prière. Le démon cherche par là à nous en détourner, et Dieu le permet afin que nous reconnaissions notre faiblesse et que nous devenions plus humbles. « Quand même, dans la prière, on ne ferait que chasser les distractions et les tentations, on aurait cependant bien fait sa prière, car le Seigneur regarde avec complaisance notre bonne volonté. » (S. Fr. de S.)


Pour prier avec dévotion, il faut nous y préparer, veiller sur nos sens pendant la prière, et garder une position convenable.

« Avant la prière, préparez voire âme, et ne soyez pas comme un homme qui tente Dieu. » (Eccli. XVIII, 2). Avant de jouer, le musicien accorde son instrument, pour éviter les tons faux; et quels préparatifs ne fait-on pas quand on va à l’audience d’un roi de la terre! Avant la prière, il faut se mettre en la présence de Dieu, c.-à-dire se représenter vivement qu’on est sous son regard (V. Bède); c’est dans cette intention qu’il faut faire le signe de la croix. Il faut aussi rejeter toutes les pensées et les soucis terrestres. Lorsqu’Abraham alla immoler son fils, il laissa au pied de la montagne de Moriah, son âne, ses serviteurs et tout ce qui n’était pas nécessaire au sacrifice et dit: « Quand nous aurons adoré, nous reviendrons vers vous. » (Gen. XXII).

De même que Jésus-Christ a chassé les vendeurs du temple, ainsi devons nous éloigner de notre cœur, ce temple de la prière, tous les soucis avant de nous mettre à genoux.

Confiez pendant un quart d’heure vos inquiétudes au Père céleste: peut-être vous les enlèvera-t-il tout à fait ou vous les rendra-t-il plus légères! Cependant les distractions involontaires ne sont pas péché : il faut seulement les éviter et les combattre.

Pour prier, nous devons fermer notre porte, c. à-d. veiller sur nos yeux et nous retirer dans la chambre de notre coeur. (S. Matth. VI, 6). L’emploi d’un livre de prières peut nous empêcher d’être distrait, de même une sainte image ou un sanctuaire, où tout nous rappelle la présence de Dieu et nous porte davantage à la dévotion. — En priant il faut éviter toute posture qui ne serait pas convenable; toutefois un malade ou une personne fatiguée peut prendre celle qui lui convient le mieux. II vaudrait mieux prier debout que de prier à genoux en se laissant aller au sommeil : la position du corps doit favoriser la dévotion et non la rendre impossible.

 
3. Avec persévérance, c.-à-d. que nous ne devons pas nous relâcher dans nos prières, si nous ne sommes pas exaucés immédiatement.

Nous devons faire comme les enfants qui ne cessent de crier jusqu’à ce qu’ils aient obtenu ce qu’ils désirent. (S. Cyril.) Les hommes sont mal disposés quand on les accable de demandes : il n’en est pas ainsi de Dieu qui aime l’importunité (S. Jér.) comme il le dit dans la parabole de l’ami importun qui ne cesse de frapper jusqu'à ce que l’on ouvre. (S. Luc. XI, 5). Dieu met quelquefois la constance du solliciteur à une dure épreuve, comme le fit Jésus pour la Cananéenne (S. Matth. XV); il se montra d’abord dur envers elle, mais elle ne se découragea pas, et se vit exaucée. Il en fut presque de même de l’aveugle de Jéricho: la foule le pressait de se taire; lui au contraire élevait de plus en plus la voix, et Jésus-Christ le guérit. (S. Luc. XVIII, 35). Les Juifs de Béthulie recoururent à la prière quand Holopherne s’avançait vers la ville, mais plus ils priaient, plus leur position devenait critique; néanmoins ils persévérèrent dans leurs supplications, et Dieu les sauva par la main de Judith.  (Judith VI-VIl). Ste Monique pria pendant 18 ans en versant des torrents de larmes pour obtenir la conversion de son fils Augustin; mais que sa prière persévérante fut admirablement exaucée! Dieu se plaît à venir en aide quand la détresse est la plus grande. Beaucoup hélas ! se découragent s’ils ne sont pas exaucés sur le champ et ils cessent de prier; c’est au contraire un motif de redoubler d’ardeur à mesure que Dieu diffère de les exaucer. Plus il nous fera attendre, plus son secours sera généreux ; il donne alors bien plus abondamment que ce que l’on a demandé ou que l’on pouvait espérer. (Eph. III, 20). Nous-mêmes nous devons attendre une année pour que la semence confiée à la terre porte des fruits, et nous voudrions recueillir immédiatement les fruits de nos prières ? (S. Fr. de S.)

 
4. Avec un coeur pur, c.-à-d. exempt de péché mortel, ou au moins sincèrement repentant.

C’est dans ce but qu’il y a un bénitier à l’entrée de l’église ; il nous avertit de nous purifier de nos péchés par la pénitence avant de nous mettre en prière dans la maison de Dieu. Chez les Mahométans, l’usage veut qu’à l'entrée de l’église, on retire ses chaussures couvertes de poussière et que l’on se lave les pieds. Celui dont le coeur n'est pas pur n’a pas assez d’énergie pour élever son esprit vers Dieu, car dès qu’il commence à prier, les images coupables se présentent devant ses yeux et retiennent son esprit sur la terre. (S. Grég.) Prier avec un coeur souillé, c’est se présenter avec des vêtements malpropres devant un souverain pour lui demander une grâce, c’est offrir à quelqu’un un bouquet de belles fleurs (saintes paroles) avec des mains sales. (S. Chrys.) Dieu n’exauce pas les pécheurs (S. Jean IX, 31), car il est juste d’exclure des bienfaits divins celui qui ne veut pas se soumettre aux commandements de Dieu. (S. Lanr. Just.) Obéissons à Dieu dans ses préceptes, afin qu’il nous exauce dans nos prières. (S. Chrys ) Mais dès qu’un pêcheur déplore sincèrement ses fautes, il peut espérer d'être exaucé; Dieu l'accueille comme si le pécheur ne l’avait jamais offensé* (S. Alph.), il n'agit jamais comme l'homme qui reproche d’abord au suppliant toutes les offenses qu'il en a reçues, « il regarde non pas à ce que l’homme a fait, mais à ce qu'il veut faire. » Exemple de la prière du publicain repentant. (S Luc. XVIII, 13).


5. Avec résignation à la volonté de Dieu, c.-à-d. que nous devons laisser entièrement à Dieu le soin d’exaucer notre prière.

Jésus-Christ disait au jardin des Oliviers: « Que votre volonté se fasse et non la mienne. » (S. Luc. XXII, 43). Dieu sait mieux que nous ce qui nous est utile; nous ne devons donc rien lui prescrire, de même qu'il ne convient pas à un malade d'indiquer à son médecin les remèdes qu’il doit choisir. (S. Fr. de S .)

 
6. Avec humilité, c.-à-d. avec l’intime conviction de notre faiblesse et de notre indignité.

 
Ne nous imaginons pas rendre par notre prière un grand service à Dieu. La prière du publicain dans le temple et celle du centurion sont des modèles d'humilité; Daniel aussi priait avec humilité quand il disait: « Ce n'est pas en vue de notre justice que, prosternés, nous répandons nos prières devant votre face, mais en vue de vos abondantes miséricordes. » (Dan. IX, 18). « La prière de l'homme humble pénètre les nuages. » (Eccli. XXXV, 21). Comme les hommes s’inclinent humblement quand ils présentent une requête aux puissants de la terre. La prière par elle-même est déjà un acte d’humilité, car nous reconnaissons par là notre dépendance du souverain Seigneur du ciel et de la terre; quand nous prions, nous sommes des mendiants devant la porte du grand père de famille. (S. Aug.) E t néanmoins il y a des gens qui en priant se figurent rendre à Dieu un grand service. Quelle folie !

 
7. Avec confiance, c.-à-d. avec la ferme conviction que dans son infinie bonté Dieu nous exaucera certainement, si ce que nous demandons contribue à sa gloire et au salut de notre âme.


La prière du prophète Elie lors du sacrifice sur le mont Carmel est un modèle de prière confiante, (III. Rois 18). « Tout ce que vous demanderez avec confiance dans vos prières, dit Jésus-Christ, vous l'obtiendrez » (S. Matth. XXI, 22). La confiance est abondamment récompensée (Héb. X, 35), mais celui qui doute ne reçoit rien. (S. Jacq. I, 6).

 
C’est par l'exercice que l’on apprend à bien prier

C’est en priant que l’on apprend l'art de la prière, selon le proverbe : « En forgeant on devient forgeron. » Plus on prie, plus on aime prier; moins on prie, plus la prière paraît ennuyeuse et déraisonnable. (S. Bonav.)
 
 
 
François Spirago, Catéchisme catholique populaire