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Le torchon brûle entre les traditionalistes catholiques du Saguenay – ceux de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) du Québec – et l’évêque de Chicoutimi, André Rivest. En cause, la célébration de la messe tridentine – en latin – dans une salle d’un hôtel de Saguenay dimanche dernier. « L’annonce [de leur venue] s’est faite dans les journaux », déplore l’évêque quand on lui demande pourquoi il a expressément demandé aux responsables de tous les lieux de culte de son diocèse de ne pas accueillir les membres de la FSSPX pour cet évènement.
Dans le droit canonique, on exige de chaque prêtre qui préside une messe dans un autre lieu que son diocèse qu’il reçoive la permission de l’évêque du lieu. Or, aucune demande n’est parvenue à l’évêché.
L’abbé Pierre Roy de la FSSPX, résidant présentement dans la maison Saint-Joseph de Saint-Césaire, est venu avec quelques membres de Lévis, accompagner le groupe de Saguenay qui les avait invités, Tradition Saguenay. « C’est le 15 février… qu’aura enfin lieu le retour de la Tradition catholique au Saguenay-Lac-Saint-Jean », écrivent ses membres sur leur blogue. « Puisqu’on nous ferme les portes des églises de la région, nous nous retrouvons comme les premiers missionnaires, avec les moyens du bord. »
Refus de l’évêque
« Dans mon diocèse, il n’y a aucun groupe [traditionaliste] stable », indique Mgr Rivest pour fonder sa décision. « C’est d’ailleurs ce qui m’avait fait refuser d’introduire le rite tridentin il y a quelques années pour la Fraternité Saint-Pierre. » Cette dernière a été créée en 1988, par Jean-Paul II, afin d’accueillir les prêtres qui voulaient se détacher de la FSSPX au moment où le fondateur, Mgr Marcel Lefebvre, était excommunié parce qu’il avait procédé à l’ordination d’évêques sans la permission de Rome.
« C’est ce qui les a mis en situation de schisme avec l’Église », explique encore l’évêque. « Ils ne sont pas en parfaite communion avec l’Église. Malgré les efforts, ils n’ont jamais accepté de réintégrer intégralement [l’Église]. »
André Rivest se dit ouvert à la discussion. « Parler avec eux, oui, ma porte est toujours ouverte à tout le monde, même avec les personnes avec qui je ne suis pas d’accord. » Par contre, il est hors de question de leur confier une église, « tant qu’ils ne seront pas en communion avec Rome ». Ce qui veut dire la pleine acceptation du concile Vatican II, ce que les membres de la FSSPX rejettent. « Refuser les enseignements de Vatican II – ou du concile de Trente, ou les premiers conciles – c’est refuser de communier à l’Église ».
« Forcés par la nécessité »
« On ne se considère pas en schisme », estime au contraire l’abbé Roy. « On considère par contre que l’Église est en crise profonde depuis le concile Vatican II, avec toutes les nouvelles orientations ». Il considère plutôt que le fondateur de la FSSPX a voulu « réagir à la crise profonde » en se faisant le gardien de la tradition. « L’Église trouve sa force et sa stabilité dans la tradition. »
Les problèmes qu’il attribue au Concile concernent également « la chute drastique de la pratique religieuse, la chute des vocations de séminaristes, l’abandon du sacerdoce des prêtres après le concile… Même à Rome, on est au point de se poser la question sur la morale de l’Église avec le Synode sur la famille ». Le Concile a créé un « cheminement qui n’en finit plus de vouloir créer des réformes. »
« Maintenant on a l’impression qu’on en finit plus de mettre à jour et la crise s’amplifie. Et on dit : ''on va mettre à jour parce que la crise s’amplifie''. Nous on dit ''retournons à la tradition et gardons la tradition''. Comme on a fait pendant des siècles. L’Église va retrouver sa force. »
Sur la messe de dimanche, l’abbé Roy confirme que la Fraternité, n’étant pas officiellement reconnue par Rome, ne demande aucune permission à l’évêque local. « On ne demande pas de permission officielle pour dire la messe ou quoi que ce soit. C’est la façon dont on procède un peu partout au pays. En général, on s’installe. On considère que c’est illégitime d’interdire de dire la messe traditionnelle dans l’Église, et du coup, on s’installe par la nécessité. »
Dimanche, moins de 30 personnes ont participé à la messe, dont probablement moins d’une vingtaine de personnes qui provenaient de la région de Saguenay. Si l’abbé Roy attribue cette situation à la température (il faisait -40°c dimanche matin), il dit avoir reçu plusieurs appels de soutien.
Informé du peu de participants, Mgr Rivest indique que les membres de la Fraternité Saint-Pierre, à sa demande, n’ont pas participé à la messe. « Ils ont dit que, même s’ils ne sont pas d’accord avec moi, ils s’en remettaient à l’autorité de l’évêque. » Il y avait aussi une famille de sept enfants, que connaît bien l’évêque, et qui participait à la messe, « plus en curieux qu’en [esprit de] séparation », estime Mgr Rivest.
Mario Bard