lundi 8 décembre 2014

II. Utilité et nécessité de la prière.

1. Par la prière, nous pouvons tout obtenir de Dieu; mais Dieu n’exauce pas toujours notre prière immédiatement.

Jésus-Christ nous a fait cette promesse : « Tout ce que vous demanderez à Dieu avec confiance dans la prière, vous le recevrez » (S. Matth. XXI, 22); et encore: « Demandez et il vous sera donné »  (Ibid. VII, 7). Par la prière, l’homme devient en quelque sorte tout-puissant (S. Chrys.) ; elle est la clef de tous les trésors de la bonté divine. (S. Aug.) Avec de l’argent on peut tout obtenir des hommes, et tout de Dieu par la prière. Celui donc qui se trouve dans la détresse doit implorer le secours de Dieu; s'il l'omet, il n’a pas à se plaindre de sa misère, mais de sa nonchalance et de sa folie; il mérite qu’on se fâche contre lui comme contre un mendiant qui, tremblant de froid et mourant de faim, refuse d'aller trouver un riche qui lui a promis du secours.

Implorez Dieu dans le danger, Il vous aidera dans la détresse. Ainsi firent les apôtres dans la barque au milieu de la tempête, et Jésus-Christ les secourut. — Dieu n’exauce pas toujours Immédiatement notre prière; il faut frapper plusieurs fois à la porte de ce grand Seigneur, avant qu’elle ne s’ouvre. (S. Aug.) Ste Monique dut demander pendant 18 ans la conversion de son fils. Dieu nous laisse demander longtemps, pour voir si notre prière est sérieuse, et afin que nous ayons en honneur les grâces reçues. (Idem). Celui qui cesse de prier, parce que sa demande n'est pas exaucée tout de suite, montre qu'il n’y attachait pas d’importance; au contraire, si l'on veut sincèrement être exaucé, on priera avec d'autant plus de ferveur que Dieu différera plus longtemps de nous accorder sa demande. Telle fut la conduite de l’aveugle de Jéricho : moins Jésus-Christ semblait faire attention à ses paroles, plus il criait: « Jésus, fils de David, ayez pitié de moi. »(S. Luc. XVIII, 35). Un saint disait à Dieu: « Seigneur, vous différez vos bienfaits, afin de nous apprendre à prier » (S. Ans.) D’autres fois Dieu ne nous exauce pas sur le champ, parce qu'il sait que l’objet de notre demande nous serait, pour le moment, plus nuisible qu’utile.


Dieu exauce plus promptement notre prière, quand nous y- joignons le jeûne et l’aumône, quand nous faisons un vœu ou que nous invoquons l’intercession des saints ; la prière est aussi plus vite exaucée quand plusieurs la font ensemble; de même la prière du juste est accueillie plus favorablement.

Le jeûne et l’aumône sont les deux ailes de la prière. (S. Aug.) Nous en avons un exemple dans la prière de Corneille, le centurion. (Acte X). Les exemples de villes, de peuples délivrés d’un fléau par suite d'un vœu ajouté aux prières publiques sont très nombreux. — Quand nous prions devant les images des saints ou auprès de leurs tombeaux, Dieu exauce plus vite nos demandes. » Il est sans doute partout, mais il n’écoute point partout nos prières de la même façon. » (S. Aug.) Dieu exauce aussi plus tôt la prière faite en commun.

Jésus-Christ a  dit:  « Si deux d'entre vous s'accordent sur la terre à demander quelque chose, il leur sera fait par mon Père qui est dans le ciel. (S. Matth. XVIII, 19). Quand les chrétiens se rassemblent pour prier, ils sont comme une puissante armée qui force le Très Haut à les exaucer. (Tert.) Le bois brûle aussi plus vite quand plusieurs bûches sont l'une à côté de l’autre: on peut même y ajouter alors du bois vert: une flamme excite l'autre.

Quelle ne fut pas la puissance de la prière commune des premiers chrétiens en faveur de S. Pierre enchaîné dans la prison! C’est pourquoi dans le temps des calamités on organise des processions. La prière que profèrent les lèvres du juste est aussi plus rapidement exaucée. « La prière fervente et constante du juste peut beaucoup » (S. Jac. V, 26); c’est parce qu’il était juste qu'Elie demandant la sécheresse puis la pluie, fut promptement exaucé. (III Bois, 17).

 
Quelque fois Dieu n'exauce point notre prière, parce qu’il ne veut pas nous accorder ce qui nous serait nuisible, ou parce que nous sommes indignes d’être exaucés.

Dieu ressemble au médecin qui, par amour pour le malade, ne lui permet pas ce qui pourrait lui nuire (S. Aug.) Dieu repousse par pitié la demande de celui qui emploierait mal l’objet de prière. (Idem.) Ste Monique pria Dieu avec ferveur d’empêcher le voyage de son fils en Italie: elle ne fut pas exaucée, parce que le séjour en Italie devait être utile à Augustin, par les sermons de S. Ambroise, qui le ramenèrent dans la bonne voie. Aussi S. Augustin disait-il plus tard : « 0 mon Dieu, vous n'avez pas exaucé ma mère en ce temps-là, afin de lui accorder ce qu’elle vous demandait depuis plus longtemps. » — Si l’enfant prodigue avait demandé à Dieu de le sauver de la détresse, il ne l’aurait pas exaucé, parce que le bonheur dans l'exil lui aurait été nuisible. Souvent Dieu ne nous exauce pas, parce que nous en sommes indignes, en priant sans dévotion et sans confiance (S. Jac. I, 7), ou en état de péché mortel et sans vouloir déraciner nos mauvais penchants. (S. Jean IX, 31).

D’autres ne sont pas exaucés, parce qu’ils ne prient pas avec persévérance, et montrent par là qu’ils n'attachent guère d’importance à la grâce qu’ils sollicitent. Néanmoins personne ne prie en vain: Si Dieu n’accorde pas ce que l’on demande, il donne certainement quelque chose d'autre et de meilleur. (S. Chrys.) Dieu agit comme un père, qui, pour le calmer, donne une belle pomme à son enfant qui réclame un couteau.

Le pécheur lui-même ne prie pas en vain: il obtient par sa prière des grâces qui lui sont nécessaires pour sa conversion. «  Quand vous priez sans être exaucé, n’attribuez jamais à Dieu ce refus, mais dites-vous que vous avez mal prié, ou que vous auriez tiré peu de profit du succès de votre prière. En ce cas Dieu vous donnera une autre grâce, et qui sera meilleure que celle que vous demandiez. » (M. Lataste). Dieu peut faire infiniment plus que ce que nous lui demandons et comprenons. (Eph. III, 20).


Dans tous les cas, celui qui prie doit en même temps s’efforcer d’obtenir par ses forces naturelles ce qui fait l’objet de sa prière.

Dieu aide celui qui cherche à s'aider; il ne protège pas les lâches, mais les vaillants. Le général, ainsi que son armée, seraient des insensés, si au lieu de combattre ils demandaient la victoire à la prière seule. Toutes nos actions doivent être accompagnées d’activité et de courage, ainsi que de prière et de confiance en Dieu; ce serait tenter Dieu que de lui demander un miracle, pour nous permettre de passer notre vie dans la nonchalance. Ne regarderions-nous pas comme une ironie qu'un homme tombé sur la route et pouvant se relever facilement nous appelât pour l’aider? Il en est de même pour Dieu.

 
2. La prière change les pécheurs en justes et maintient les justes dans l’état de grâce.

C’est par la prière que le pécheur obtient le pardon. Le bon larron en croix ne dit à Jésus que ces seules paroles : «  Seigneur, souvenez-vous de moi, quand vous viendrez dans votre royaume », et Jésus-Christ lui pardonna. (S Luc. XXIII, 42). Le publicain au temple dit avec contrition: « Mon Dieu, ayez pitié de moi, pécheur », et il retourna chez lui justifié. (S. Luc. XVIII), 13). Lorsque David eut entendu les remontrances de Nathan, il répondit: « J’ai péché contre le Seigneur », et aussitôt le prophète annonça au roi que ses péchés étaient pardonnés. (II. Rois XII, 12,13). Celui qui se met à prier cesse de pécher, et celui qui cesse de prier, commence à pécher (S. Aug.) ; le péché mortel et la prière ne peuvent exister ensemble (Ste Thér.); la prière transforme l’homme ; elle éclaire les aveugles, fortifie les faibles et sanctifie les pécheurs* (S. Laur. Just.)


La prière change les pécheurs en justes, parce qu’elle leur obtient la grâce du repentir et de la conversion.

Par la prière, nous attirons sur nous le S. Esprit (S. Ephrem.), c -à-d. que nous obtenons des grâces actuelles. Plus notre globe se rapproche du soleil, plus il en reçoit de lumière et de chaleur: et plus nous nous rapprochons dans la prière de Jésus-Christ, le soleil de justice, plus nous en obtenons de lumière et de force. (Orig.) La prière nous procure des lumières intérieures, qui nous font reconnaître de plus en plus la majesté et la bonté de Dieu -  le but véritable de notre existence, la volonté de Dieu, la juste valeur des biens de la terre, notre propre indigence, etc. : la prière est donc comme un gros livre de sermons. (S. Vinc. de Paul).

Chez beaucoup de saints, ces lumières intérieures se traduisaient au-dehors : le visage de Moïse était resplendissant quand il descendait de la montagne après s’être entretenu avec Dieu, et Jésus-Christ fut transfiguré tandis qu’il priait. (S. Luc. IX, 29). La prière nous procure aussi des forces nouvelles qui nous rendent capables de supporter les souffrances (S. Bern.); elle est pour l’âme une céleste rosée, qui relève l’âme, de même que pendant la nuit les plantes sont rafraîchies par la rosée et reprennent une nouvelle vigueur. (S. Chrys.) La prière est pour l’âme ce que le sommeil est pour le corps; l'âme comme le corps s’y repose et recouvre ses forces. Après un long travail et avant d'entreprendre des actions importantes, nous devons recourir à la prière, comme Jésus-Christ, qui se retirait de temps eu temps pour prier, et à la veille de sa Passion, pria longtemps au jardin des Oliviers. Celui qui prie beaucoup ne sera jamais un lâche.


La prière maintient le juste en état de grâce, parce qu’elle le protège contre la tentation et le péché.

La prière dissipe les tentations du démon; elles obscurcissent notre intelligence et affaiblissent notre volonté; la prière au contraire éclaire notre intelligence et fortifie la volonté. « La prière agit comme l'eau sur le feu » (S. Chrys.); elle est un bouclier qui repousse les traits enflammés de l’ennemi (S. Amb.); elle est l'ancre du salut pour l’âme qui risque de faire naufrage. (S. Chrys) Quand les démons nous voient en prière, ils se retirent en toute hâte, comme les voleurs qui aperçoivent des soldats l'épée à la main. (Id.) Par la prière, le juste, parvient à beaucoup de vertus : « celui qui sait bien prier, sait aussi vivre honnêtement » (S. Aug.) et resplendit de beaucoup de vertus. (Bona.) On prend le caractère de celui que l'on fréquente; celui qui converse continuellement avec Dieu en reflétera les perfections.

Comme l’arbre placé à un endroit favorable pour recevoir les rayons du soleil, l’homme qui, par la prière, s’expose à la chaleur bienfaisante du soleil de justice, croîtra en perfection et portera des fruits abondants. Quand une reine fait son entrée dans une ville, elle n’arrive jamais seule, mais elle a une escorte composée de dames et de seigneurs de la noblesse : ainsi la prière entre dans l’âme entourée de nombreuses vertus. (S. Chrys.)

3. Par la prière, les justes obtiennent le pardon des peines temporelles du péché et une récompense éternelle.

La prière obtient au juste le pardon des peines du péché,  « La prière monte au ciel et aussitôt la miséricorde de Dieu descend sur la terre » (S. Aug.); elle s’oppose à l’explosion de la colère divine, (Id.) Par un seul « Pater », récité du fond du coeur, on peut expier les péchés véniels d'un jour entier. (Id.) En outre par certaines prières, on gagne une indulgence, c.-à-d. que l'on obtient une remise des peines temporelles du péché plus grande que par la prière seule. La prière obtient aussi au juste une récompense éternelle. « Quand vous priez, dit Jésus-Christ, entrez dans votre chambre, et, la porte fermée, priez votre Père en secret, et votre Père qui voit dans le secret vous le rendra. » (S. Matth. VI, 6).

La prière est une oeuvre de travail et de combat; elle est donc liée à une certaine fatigue. Les démons en effet cherchent souvent à troubler ceux qui prient, en leur inspirant les pensées les plus étranges ; ils agissent comme un homme qui est en procès et déploie devant le tribunal toute sa ruse, toute son éloquence, afin que le juge ne rende pas contre lui une sentence défavorable. (S. Gilles). De même que le vent fait vaciller une lumière protégée par une lanterne, ainsi le démon, en nous voyant prier, fait tous ses efforts pour troubler notre ferveur par les distractions et les préoccupations les plus diverses. (S. Chrys.) Celui donc qui prie, malgré ces obstacles, expie beaucoup de péchés et a droit à une récompense.

Celui qui prie a déjà un avant goût du bonheur céleste, car la prière fait descendre la joie dans l’âme par le S. Esprit qui est le consolateur (S. Jean XIV, 26) et dissipe la tristesse. Jésus-Christ promet du soulagement à ceux qui se tournent vers lui dans leurs peines et leurs afflictions. (S. Matth. XI. 28). « Quelqu'un est-il triste parmi vous? ajoute S. Jacques, qu'il prie. » (V, 13). Dans la prière on goûte par avance les joies du ciel. « Rien, dans cette vie, ne peut remplir le coeur de l’homme d’une joie plus grande qu’une fervente prière » (S. Bern.); en elle on trouve la même consolation que ressent un enfant qui peut parler en tonte confiance à son père et lui ouvre son coeur rempli de chagrin. « Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux. » (Ps. XXXIII, 9). « Un jour passé dans la prière est meilleur que des années passées dans les jouissances et les distractions de la vie. » (Ps. LXXX111. 11).

 
4. Celui qui ne prie pas, ne peut pas se sauver, car il tombe facilement dans le péché mortel.

Comment un maître traiterait-il un serviteur qui ne le saluerait jamais, qui ne lui parlerait pas ? Si l’on pouvait ouvrir l’enfer, on verrait qu’il n’y a là que des hommes qui n’ont pas prié. « Si déjà Jésus-Christ a prié des nuits entières, que devons-nous faire nous-mêmes pour nous sauver? » (S. Amb.) Celui qui ne prie pas n’a aucune énergie pour résister aux tentations ; il ressemble à un soldat sans armes, à un oiseau sans ailes, à un vaisseau sans voile ni rames, à un roseau que le vent incline à son gré. Celui qui ne prie pas est déjà mort (S. Chrys.), il subit le sort du poisson tiré hors de' l’eau (Id.), de l’arbre arraché à la terre (Louis de Gren.), de l’homme auquel on refuse toute nourriture (S. Aug.) ou qui ne respire pas. (Bell.)

On ne doit pas laisser le blé dans un lieu bas et humide ; si l’on veut le conserver, il faut le transporter dans un lieu sec et élevé, de même le coeur ne doit pas se traîner sur la terre, en ne s’occupant que des choses de ce monde, mais s’élever vers Dieu, pour échapper à la corruption (S. Aug.), aussi Jésus-Christ. nous exhorte-t-il constamment à la prière. (S. Marc XIII, 33; S. Matth. XXVI, 41). Tous les peuples de la terre adressent des prières à leurs divinités; l’obligation de prier est donc inscrite par la loi naturelle au coeur de chaque homme.

François Spirago, Catéchisme catholique populaire